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défense des Huns[1]. Loin de se montrer découragés de leur défaite, les fils d’ Attila semblaient pleins de confiance. Ecoutant les leçons de la mauvaise fortune, ils mettaient de côté leurs dissentimens, et travaillaient en commun aux préparatifs d’une nouvelle campagne qui devait ramener leurs vassaux sous le joug et relever l’empire de leur père : telle était du moins leur espérance. À l’ambition se joignait chez eux un désir ardent de vengeance contre tous les Germains, mais surtout contre les Ostrogoths, quoique ceux-ci n’eussent eu que le second rang parmi les provocateurs de la révolte. C’était donc par les Ostrogoths qu’ils se proposaient de commencer : leurs forces étaient d’ailleurs considérables, attendu que les tribus hunniques de la Mer-Caspienne et du Volga leur avaient gardé fidélité malgré leurs revers.

L’histoire est très sobre de renseignemens personnels touchant les fils d’Attila, qu’elle ne mentionne le plus souvent qu’en termes collectifs et généraux. On peut néanmoins, à l’aide de détails disséminés et en quelque sorte perdus dans les écrivains contemporains, rassembler les traits de certaines figures, et saisir quelques physionomies qui se dessinent au premier plan. Nous y voyons d’abord Denghizikh, le plus semblable à son père après Ellac, ou, pour mieux dire, le moins dissemblable. Ce n’est pas que Dengbizikh ne possédât beaucoup des qualités d’un conquérant barbare : l’esprit d’entreprise, l’audace et l’activité poussée jusqu’à l’impuissance du repos ; mais on eût cherché vainement en lui cette lumière du génie qui faisait d’Attila, suivant l’occasion, un homme hardi ou patient, un soldat impitoyable ou un politique rusé, ourdissant avec une prévoyance qui ne se trompait jamais la trame que son épée devait couper, — enfin le maître de lui-même plus encore que des autres. Près de Denghizikh, et comme pour contraster avec lui, nous apercevons le jeune Hernakh, son rival en influence dans les conseils de la famille, esprit doux et pacifique, en tout l’opposé de son frère. Ceux qui ont lu l’histoire d’Attila connaissent déjà ce jeune homme, le dernier des fils du conquérant et l’objet de ses préférences. L’historien Priscus, dans le curieux tableau qu’il nous a laissé d’un banquet donné par le roi des Huns à l’ambassade romaine dont il faisait partie, nous montre Hemakh encore enfant assis près de son père, qui ne se déride qu’en le regardant, et s’amuse à lui tirer doucement les joues[2]. Un des convives

  1. Les Romains, dans une acception analogue, disaient du même fleuve qu’il était leur borne et leur limite, — limes romanus, limes imperii.
  2. « Junioremex filiis introeuntem et adventantem, nomine Hernach, placidis et lætis oculis est intuitus, et eum gena traxit. (Prisc., Hist. ap. script., Hist. Byz.