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s’est trouvé au bout que l’Espagne avait perdu le fil de ses destinées. C’est là le résultat de la fausse impulsion donnée à un peuple par le génie lui-même. C’est la forte instruction de l’histoire que l’étude dégage, que la politique recueille, en présence de ces autres enseignemens de la vie contemporaine.

Au milieu du mouvement universel où s’agitent tant de questions, tant d’intérêts divers, voici deux pays voisins que leur situation même place à l’abri des grandes luttes actuelles, et dont la vie dans ses conditions normales n’en a pas moins ses épisodes. Ces deux pays sont la Belgique et la Hollande, qui viennent de passer en même temps, le même jour, par une épreuve électorale. C’est le 13 juin que les élections belges et hollandaises ont eu lieu. À Bruxelles comme à La Haye, le gouvernement s’est senti atteint par le résultat du scrutin, c’est-à-dire que dans son ensemble le vote n’a pas été absolument en rapport avec la situation actuelle des deux cabinets ; mais si des deux côtés à ce point de vue le résultat a été le même, c’est par une raison inverse : à Bruxelles, c’est parce que le parti libéral a éprouvé un échec ; à La Haye, c’est parce que les élections ont été trop favorables aux libéraux. L’animation excitée un moment par le travail électoral en Belgique n’a pas tardé à se dissiper ; elle a disparu avec la cause qui l’avait provoquée. Au sortir de cette agitation passagère, qu’avait produit réellement le dernier scrutin ? Le renouvellement partiel de la chambre des représentans entraînait la nomination de cinquante-quatre députés : quarante-quatre ont été réélus. À Bruxelles notamment, les animosités locales sont restées sans effet, et n’ont point empêché la réélection de M. Ch. de Brouckère et de quelques ; uns de ses collègues. Parmi les représentans qui ne rentrent point à la chambre, six appartenaient au parti libéral, quatre au parti catholique ; parmi les députés nouveaux au contraire, chaque opinion en compte cinq. La différence est légère, on le voit, elle n’est que d’une voix, qui s’est déplacée au détriment du parti libéral et forme l’avantage des catholiques. Le ministère ne s’en est pas moins ému, plus encore sans doute à cause des tendances manifestées par le corps électoral qu’en raison du résultat réel. Il en a délibéré et il s’est mis à la disposition du roi. La suite de cette démarche a été ce qu’elle devait être : le ministère reste en fonctions, et l’époque ordinaire de la convocation des chambres ne sera point devancée. Il n’en pouvait être autrement. Le cabinet actuel de Bruxelles, en effet, bien qu’arrivé au pouvoir au nom de l’opinion libérale, exprimait cette opinion dans ce qu’elle avait de plus modéré, et avait pour mission de tempérer les irritations des partis par une politique de conciliation. Si c’était là sa raison d’être à son avènement, cette raison n’a point cessé d’exister en présence d’un résultat trop peu décisif, qui ne fait que neutraliser encore plus les opinions sans en changer l’équilibre essentiel.

À un certain point de vue cependant, le dernier scrutin n’est pas sans gravité, si l’on songe que depuis 1847 le parti libéral en Belgique avait constamment obtenu une majorité suffisante pour lui assurer la possession ininterrompue du pouvoir, et le fait est d’autant plus remarquable que l’exclusion a porté justement sur M. Ch. Rogier, le ministre de l’intérieur du dernier cabinet, l’un des hommes les plus éminens du libéralisme belge. M. Ch. Rogier a échoué à Anvers, où les électeurs de la ville lui sont restés fidèles, mais où il a eu contre lui la masse des électeurs des campagnes. M. Rogier expie