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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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30 juin 1854.

L’Europe marche-t-elle en ce moment vers une pacification prochaine ? La question d’Orient entre-t-elle plus simplement dans une phase nouvelle après avoir subi déjà tant de transformations et s’être montrée sous tant d’aspects divers ? La Russie, en présence de l’Europe prête à combattre, se résout-elle tardivement aux concessions que réclament les plus légitimes intérêts de l’Occident, ou bien le rappel de ses troupes du Danube et des principautés n’est-il encore qu’une évolution politique ou stratégique masquant d’autres desseins ?

Voilà la question qui est venue se poser subitement ces derniers jours et éveiller toutes les conjectures, tous les commentaires. Le fait caractéristique du moment où nous sommes en effet, c’est le mouvement de retraite de la Russie. Annoncé, démenti, discuté partout et à tous les points de vue, ce mouvement est aujourd’hui avéré, et devient un des élémens de la situation actuelle ; il la domine à vrai dire. Or il n’est point inutile peut-être d’observer en quelles conditions cet événement trouve les différentes puissances engagées dans la guerre ou à la veille de s’y engager, la Russie elle-même vis-à-vis de la Turquie, et toutes les questions nées des complications présentes.

D’abord, dans une affaire ainsi remise au sort de la guerre, n’est-il point juste de signaler l’honneur que s’est fait jusqu’au dernier moment, surtout au dernier moment, cette armée turque qui se bat avec intrépidité depuis sept mois pour l’indépendance de son pays sans doute, mais aussi dans l’intérêt de l’Europe, puisque l’Europe a placé une des bases de la sécurité du continent dans l’intégrité de l’empire ottoman ? Qu’on se souvienne des craintes qu’excitait la simple pensée d’une rencontre entre les deux armées mises en présence ! On s’exagérait même la supériorité et le prestige des forces du tsar ; on ne doutait pas de leurs succès. Les deux armées se sont rencontrées pourtant, et non-seulement les Turcs ont eu de leur côté l’avantage moral du droit, ils ont eu de plus l’avantage matériel. Depuis le passage du Danube et l’occupation de la Dobrutscha par l’armée russe, toutes ses opérations