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vu, d’ astrolâtrie. qu’il faut attribuer en partie les difficultés contre lesquelles son gouvernement eut à lutter pendant les dernières années. C’est à cette cause qu’il faut en particulier faire remonter l’opposition qu’Akbăr rencontra dans son propre fils. De la part de ce prince, ce ne fut, il est vrai, qu’un prétexte, car en même temps qu’il faisait assassiner Abou’l-Fazl, parce que ce grand ministre avait, disait-il, corrompu l’esprit de son père en le détournant de la confiance aveugle et du respect qu’il devait à la religion de ses ancêtres, il accueillait lui-même les missionnaires chrétiens et se montrait disposé à embrasser personnellement leurs doctrines. Cependant ce prétexte avait une importance politique des plus réelles en assurant au prince Sélim les secrètes sympathies des omhrâs et des moullahs. Ce fut donc une faute grave que l’introduction du culte ilâhi, et il fallut toute l’énergie d’Akbăr, tout le respect et l’admiration qu’il inspirait à ses sujets, pour contrebalancer le mauvais effet de cette innovation. Sa réforme devait mourir et mourut avec lui. — Voilà, si nous ne nous abusons pas, le véritable point de vue sous lequel il convient d’envisager cette grande question, tant en ce qui touche au caractère d’Akbăr qu’à l’influence que cette tentative inopportune de réforme religieuse devait avoir et a eue en effet sur sa politique. Les motifs en ont été honorables ; les effets en ont été pernicieux. Toutes ses autres mesures gouvernementales, sans exception, nous paraissent au contraire marquées au coin du génie ; elles révèlent un sentiment admirable du caractère et des besoins de son siècle et des conditions auxquelles son gouvernement devait satisfaire pour mériter l’approbation et le concours de ses contemporains comme l’admiration de la postérité.

On aime à étudier l’homme dans le souverain, quand ce souverain est un Alexandre, un Trajan, un Charlemagne ou un Akbăr. Les détails que nous donne l’Ayîn-Akbăry sur les différens services du palais et sur la vie intérieure de l’empereur nous paraissent dignes d’un intérêt particulier : ils donnent une haute idée de la puissance et de la splendeur du monarque, de la noble simplicité, de l’activité infatigable, de la bonté de l’homme privé.

Akbăr donna des encouragemens extraordinaires aux manufactures d’étoffes de toutes sortes et à la fabrication des châles ; il étudiait lui-même les divers procédés de fabrication. l’Ayîn-Akbăry contient des détails précieux sur tous ces sujets. — il fallait aux Hindoustanis un gouvernement fort et paternel, mais il leur fallait aussi (comme à plusieurs peuples de l’Occident, à nous-mêmes peut-être !) la pompe el la splendeur d’une centralisation puissante et respectée, d’où rayonnent les bienfaits du présent et les espérances de l’avenir. C’est ce que fut la cour moghole sous Akbăr ; ce prince n’a pas montré