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proportion plus grande encore, les frais de perception et les non-valeurs. Les revenus réels de l’état restèrent ainsi à peu près ce qu’ils avaient été dans l’hypothèse la plus favorable à la réalisation de ce produit sous l’ancien régime, et les peuples furent soulagés. Abou ’l-Fazl remarque même à ce sujet que l’impôt était moins lourd par le fait sous Akbăr qu’il ne l’avait été sous l’usurpateur Shère-Shâh, quoique celui-ci prétendît n’exiger du cultivateur que le quart du produit de sa terre, tandis qu’Akbăr lui en demandait le tiers.

Les instructions d’Akbăr à ses gouverneurs et à ses receveurs généraux nous ont été conservées dans l’Aym-Akbăry, et montrent toute sa sollicitude pour l’application juste et libérale de son système, comme, en général, pour la sécurité et le bien-être de ses sujets. Aucune branche des revenus publics ne fut affermée sous son règne ; il enjoignit à ses receveurs généraux de traiter directement, autant que possible, avec les cultivateurs, et de ne pas s’en rapporter aveuglément au chef du village et au patwari. Les instructions d’Akbăr, rédigées avec un soin particulier par Abou’l-Fazl[1], sont bien dignes d’être étudiées et méditées par quiconque veut se faire une idée exacte de la capacité administrative de cet habile ministre, digne interprète d’un monarque juste et bienfaisant.

Les convictions de l’empereur Akbăr en fait de gouvernement et les principes fondamentaux qu’il avait adoptés comme règles de sa conduite se déduisent de sa correspondance, du témoignage d’Abou’l-Fazl, et de celui des autres écrivains mahométans des XVIe et XVIIe siècles, du Dabistân en particulier. Pour Akbăr comme pour tous les princes de sa race, un roi est l’ombre de Dieu sur la terre ; de plus un souverain ne peut bien gouverner qu’en s’aidant des conseils de sages ministres, en se montrant soigneux de l’honneur et de la dignité des grandes familles, « L’empereur Akbăr, dit le Dabistân (IIIe volume, p. 136 et 137), écrivit tout un livre d’avis au roi de Perse, et ce livre est écrit de la main du shaikh Abou ’l-Fazl. Quelques préceptes de ce livre sont comme il suit : « Les grands parmi le peuple, qui sont dépositaires des divins secrets, doivent être considérés avec les yeux d’une admiration bienveillante et garder leur place dans nos cœurs. Le Créateur de l’univers leur a confié la direction du monde apparent, pour qu’ils veillent sur le bonheur des peuples sans négliger surtout l’honneur et la gloire des grandes familles. » Ce passage est remarquable. Soit qu’Akbăr eût été amené par ses propres réflexions à considérer le maintien des grandes familles et de leur influence comme on des principaux moyens de bon gouvernement, soit qu’il eût trouvé l’idée première de ce principe dans les anciennes

  1. Instructions for the officers. — Ayln-Akbăry, vol. Ier, p. 194 à 312.