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concentraient déjà sur votre frontière au moment où vous accomplissiez la délivrance de Milan, viennent aujourd’hui vous prêter dans des épreuves nouvelles ce secours que le frère attend du frère, l’ami de l’ami. Nous seconderons vos justes désirs, nous fiant à l’aide de ce Dieu qui est visiblement avec nous, de ce Dieu qui a donné Pie IX à l’Italie, et qui, par une si merveilleuse impulsion, l’a mise en état de se suffire à elle-même. » C’est un des traits du caractère de Charles-Albert, que, souvent irrésolu dans le conseil, il n’hésitait plus au combat. Il confiait la régence au prince Eugène de Carignan ; il laissait le gouvernement au premier ministère constitutionnel, composé de MM. César Balbo, Lorenzo Pareto, Ricci, Sclopis, Boncompagni, et il ne restait plus que le soldat héroïque. La guerre de l’indépendance italienne avait son chef, son armée et son champ de bataille.

Chose étrange, Charles-Albert se trouvait sur ce Tessin où on l’avait vu, en 1821, verser des larmes amères en s’enfuyant vers Milan, et où sa fortune devait le ramener encore aux prises avec de bien autres revers. En ce moment, — le 29 mars, jour où il entrait à Pavie avec son armée, — tout semblait sourire à son entreprise. Il avait pour lui la faveur des circonstances, l’exaltation de tout un peuple, des troupes dévouées et fières de combattre, et il n’avait devant lui que des légions humiliées par une défaite, coupées dans toutes leurs communications. L’armée sarde ne s’élevait pas alors au chiffre de soixante-dix mille hommes, six mille chevaux et cent vingt pièces d’artillerie, qu’elle a atteint par la suite ; elle comptait à peine vingt-cinq mille hommes à son entrée en Lombardie. Peu après elle était assez augmentée pour former six divisions, réparties en deux corps placés sous les ordres des généraux Bava et de Sonnaz. Le duc de Savoie commandait une division de réserve, le duc de Gênes l’artillerie. C’est avec ces forces que commençait, aux premiers jours d’avril 1848, entre ces lignes de défense du Tessin, du Mincio et de l’Adige, qui coupent l’Italie du nord, une campagne de quatre mois pleine d’incidens et de péripéties, compliquée de tous ces élémens qui surgissent dans l’ébullition d’un peuple enthousiaste et mobile.

Voyez l’Italie à cette époque : si la guerre de l’indépendance était la forte et sérieuse passion de bien des âmes, pour beaucoup aussi, il faut le dire, elle était une fête. Les manifestations ne manquaient pas, on ne se faisait faute d’ovations, de chants de triomphe, de bénédictions de drapeaux. Tandis que les prêtres prêchaient la croisade contre le barbare tudesque, les femmes jetaient des fleurs, distribuaient des cocardes, et, jusque dans les camps, des patriciennes venaient se mêler au bruit des armes. De tous les points de l’Italie, des contingens marchaient vers la terre lombarde. Un corps napolitain partait du fond de la péninsule sous les ordres du vieux général