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tant que celle-ci existera, le sol qu’elle défend de la chaleur de l’air et du soleil restera gelé, et s’il ne s’écoule que peu de jours entre le moment où l’ancienne neige aura disparu et le moment où il en tombera de nouvelle, le sol, qui n’aura pas eu le temps de dégeler à une grande profondeur, sera nécessairement, à une profondeur un peu plus grande, dans un état de perpétuelle congélation. Pour imiter expérimentalement cet effet naturel, je plaçai un thermomètre habillé d’une épaisse couche de glace, pendant des temps égaux, tantôt dans une enceinte chaude, tantôt dans une enceinte froide, et je trouvai que la moyenne des températures du thermomètre était au-dessous de la moyenne des deux températures des enceintes qu’il avait occupées successivement, parce que, pendant son séjour dans l’enceinte chaude, la fusion de la glace empêchait la pénétration de la chaleur. Si cette moyenne eût été au-dessous de zéro, le thermomètre fût resté lui-même au-dessous du terme de la congélation. Dans la nature, la succession de l’hiver et de l’été représente l’effet des deux enceintes, l’une chaude, l’autre froide, de mon expérience.

Après Iakoutsk, il est un autre point de la Sibérie bien digne de fixer l’attention des voyageurs : c’est la région qui avoisine le lac Baïkal. M. Hill a trouvé ce lac gelé, et il l’a traversé sur une couche de glace si transparente, qu’il était impossible de ne pas croire que Ton glissait sur l’eau elle-même. Cette observation curieuse avait déjà été faite. La surface supérieure de la glace était en même temps d’un poli parfait, et avec des chaussures ordinaires il était impossible de s’y tenir debout. Cette belle pièce d’eau pure est située dans l’extrême sud de la Sibérie, à la latitude de l’Angleterre. Ce lac a 600 kilomètres de long et 90 dans sa plus grande largeur. Il est à 500 mètres au-dessus du niveau de la mer, et, suivant les naturels du pays, c’est une vraie mer qui communique avec l’océan par des conduits souterrains. On y trouve des phoques et une sorte d’esturgeon comme dans la Mer-Glaciale, et même des éponges. M. Hill par le aussi de coraux et d’autres productions marines que le Baïkal rejette sur ses rives pendant de violentes tempêtes. Ce lac, comme tous les lacs d’eau douce, est traversé par une ou plutôt par plusieurs rivières. Les deux principales sont l’Angara, qui conserve son nom à la sortie du lac, et la Selenga, beaucoup plus forte, qui arrive au travers des montagnes, et en franchissant une immense distance, de l’intérieur du territoire de la Chine. L’Angara, au sortir du Baïkal, est une rivière très rapide et qui ne gèle jamais. On prétend qu’on y péchait autrefois des coquilles perlières. Comme beaucoup de personnes se demandent, en voyant d’énormes moules de rivière à une grande distance de la mer, comment ces coquillages ont pu y naître ou y être apportés, je vais indiquer comment la nature a fait, pour les éponges et