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spéculations relatives au climat de la Sibérie. L’auteur est à Iakoutsk, presque sous le cercle polaire. Pendant l’été, le thermomètre de Réaumur monte à 16 et 17 degrés. Il y règne une chaleur intense, due à la présence continuelle du soleil sur l’horizon. Même à cette époque de l’année, le sol ne peut, dans certaines parties, dégeler qu’à une petite profondeur. M. Hill a vu cependant un puits, profond de cinquante-cinq pieds anglais, dans lequel l’eau ne gelait jamais ; mais le terrain d’Iakoutsk est tellement bas et tellement imbibé d’eau par sa propre nature et par les débordemens de la Lena, que le froid ne peut y pénétrer et s’y maintenir. Le voyageur anglais indique le froid de 50 degrés Réaumur comme un terme atteint à Iakoutsk, et c’est beaucoup plus que l’extrême froid qu’ont éprouvé les navigateurs qui ont hiverné dans les mers au nord de l’Amérique. Au lieu de chercher l’explication naturelle de ce fait dans la position non maritime d’Iakoutsk, position qui, comme on sait, exagère toujours le climat et tend à le rendre excessif, c’est-à-dire sujet à de plus grandes variations de chaud et de froid, M. Hill admet une théorie beaucoup plus savante, où il fait intervenir l’épaisseur de la croûte solide de la terre, qui, suivant lui, pourrait être moindre dans certaines localités. Il y a longtemps qu’il est prouvé que l’épaisseur des continens est telle qu’il ne peut passer annuellement au travers qu’une très petite fraction de degré de chaleur, tandis qu’ici il s’agit de rendre raison d’une anomalie de plusieurs degrés. Cette cause ne peut donc être invoquée.

Puisqu’il vient d’être question des terrains en perpétuelle congélation à une petite profondeur, je dirai que tout flanc de montagne abrité du soleil, où la neige peut s’accumuler l’hiver pour ne fondre que tard dans l’été ou l’automne, me semble réunir toutes les conditions pour être constamment gelé à quelques centimètres de la surface. En effet, la glace et la neige accumulées sur le terrain ne laisseront pénétrer la chaleur dans le sol qu’après la fusion totale de la couche solide, tandis qu’en hiver rien n’empêchera le froid de pénétrer au travers de la neige, dont la température peut s’abaisser indéfiniment. Des localités placées dans ces conditions ne doivent pas être rares dans les pays de montagnes, et je pense en avoir découvert une dans l’Auvergne, sur le chemin du Mont-Dore au lac Pavin, près d’un petit village appelé, je crois, Vassivière. La température très basse des sources indiquait qu’elles coulaient au travers d’un sable volcanique ou granitique en glissant sur un fond glacé. Je n’eus pas le temps de faire creuser dans le voisinage. Un explorateur muni d’un fleuret ou sonde de mineur ferait sans peine cette curieuse découverte. Il est du reste évident ici que toute la question repose sur le temps plus ou moins long où la neige ne couvrira pas le sol, car