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s’occupe de savoir combien il passe d’eau sous un pont. Ces notions cependant sont celles qui servent de fondement à la théorie de l’arrosement naturel et de l’irrigation artificielle des diverses contrées. Partout on peut dire comme dans le midi de la France et dans l’Espagne : Tant vaut l’eau, tant vaut la terre. Heureuses les contrées que la nature arrose elle-même sans exiger le travail de l’homme ! Sous ce rapport, l’admirable vallée du Mississipi et du Missouri, qui, du temps de nos pères, appartenait encore à la France, est celle qui présente sur le globe entier la plus universelle et la plus énergique fertilité, et cela est dû à l’eau qui passe sous les ponts (quand il y en a), en dépit de Voltaire et de toutes ses plaisanteries sur les gens qui semblent avoir pour mission de calculer cette eau, très peu poétique et encore moins dramatique.

Nous ne ferons qu’indiquer l’itinéraire de M. Hill ; notre but est surtout de nous arrêter avec lui aux stations les plus favorablement situées pour étudier le climat de la Sibérie. Sauf un petit nombre d’accidens de traîneaux accrochés ou même retournés sens dessus dessous, d’officiers de police de mauvaise humeur ou ivres, le voyage de M. Hill a été très heureux. Ayant conçu le désir et l’espoir de traverser la Sibérie de l’ouest à l’est pour arriver à Okhotsk et à Pétropaulosk, sur l’Océan-Pacifique, l’auteur des Travels in Siberia obtint, non sans quelque peine, les passe-ports nécessaires. Une de ses stations fut à Irkoutsk, près du lac Baïkal, d’où il se rendit aux frontières de la Chine. Il suivit ensuite, de Irkoutsk à Iakoutsk, le cours de la Lena, et courut pour ainsi dire à travers champs de cette dernière ville à Okhotsk ; mais alors des fondrières, des passages de rivières à gué, des abstinences forcées, enfin des rencontres d’ours, rendirent cette dernière partie du voyage très pénible et même dangereuse. Parvenu enfin sur l’Océan-Pacifique, M. Hill se trouva sur la grande route du monde entier, et revint en Europe, rapportant beaucoup d’observations sur la nature et sur les mœurs des races qui habitent la Sibérie.

Ce qui appelle d’abord l’attention, c’est le froid intense qui désolé cette contrée immense, même dans les parties les plus méridionales. Un journal tenu à Irkoutsk, dans l’hiver de 1847 à 1848, a constaté un froid habituel de 15 à 16 degrés du thermomètre de Réaumur pour décembre, janvier, février et mars. En avril et au commencement de mai, le thermomètre fut rarement au-dessus de la glace fondante ; plusieurs fois la température où le mercure gèle fut dépassée, et le thermomètre à mercure ne donnait plus d’indications. On sait d’ailleurs que l’esprit de vin ne gèle jamais, et par suite on fait usage du thermomètre à alcool en Sibérie. On se sert de certains calorifères