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chissent le Danube à Belgrade, avaient cru devoir faire quelques préparatifs militaires un peu bruyans pour défendre leur neutralité ; mais le malentendu s’est bientôt éclairci, le sultan a déclaré aux Serbes qu’ils n’avaient rien à craindre de son allié l’empereur d’Autriche, et les a invités à désarmer. L’entrée des Autrichiens en Valachie a dissipé toutes les craintes, et c’est avec le calme le plus parfait que les Serbes suivent aujourd’hui les développemens imposans que prend la guerre. Les garanties de paix formulées par la France et l’Angleterre et acceptées par l’Autriche comme base des négociations futures, en prouvant aux Serbes que le protectorat exclusif ne pourra jamais être rétabli et qu’il sera remplacé par le protectorat collectif des grandes puissances européennes, leur assurent, par la pondération même des influences qui en résultera nécessairement, la liberté intérieure que l’intervention jalouse et impérieuse du gouvernement russe leur avait ravie. Aussi les Serbes font-ils aujourd’hui les vœux les plus sincères pour que le succès couronne les efforts de nos armes. Tant qu’ils pouvaient penser qu’après la guerre le protectorat russe aurait des chances de se rétablir sur l’ancien pied, ils redoutaient le ressentiment de la Russie. Aujourd’hui que le danger est écarté, ils ne se croient plus obligés de dissimuler leurs sentimens.

Quant aux Moldo-Valaques, comment pourraient-ils ne pas faire les mêmes vœux que les Serbes pour le triomphe de la cause de l’Europe ? Qui a plus souffert qu’eux des prétentions que l’Europe combat ? Depuis la fin du dernier siècle, leur pays est le théâtre de la lutte entre la Russie et la Porte. Ils en ont supporté tout le poids. Ils sont les premiers menacés d’une annexion à la Russie le jour où celle-ci ferait un nouveau pas vers Constantinople. Épuisés, dépouillés, insultés depuis un an par des généraux avides et des soldats sans discipline, ils ont salué avec toutes les manifestations de la joie la plus vive l’entrée des Turcs dans les principautés. Moins défians que les Serbes pour l’Autriche, ils ont comme eux accueilli avec empressement les troupes autrichiennes.

Le cabinet de Vienne s’est engagé, par son traité avec la Porte, à concourir à l’expulsion des Russes du territoire valaque, et à ne leur permettre dans aucun cas un retour offensif en-deça de la ligne du Pruth. C’est pour les Moldo-Valaques une précieuse garantie. Ils voient enfin des jours meilleurs se lever pour eux. L’Europe, dont depuis des années ils essaient d’attirer l’attention, est tout entière en armes sur leur sol ou dans leur voisinage. Quelle que soit la forme qu’elle consente à donner plus tard à leurs institutions, pourvu qu’elle assure au nord leur frontière et qu’elle ferme l’accès de leur pays à l’invasion du panslavisme, ils n’auront pour elle, on peut y compter, que des paroles de reconnaissance, et si l’on veut se donner la peine de les organiser pour la lutte, ils pourront devenir d’excellentes sentinelles de l’Europe et de la civilisation sur le Dniester.

On vient de voir la question pendante caractérisée tour à tour par l’attitude des gouvernemens et des peuples. À l’intérieur, nous retrouvons encore l’appareil de la guerre. Au camp du nord, l’empereur a présidé aux manœuvres qui exercent et préparent nos soldats à des luttes plus sérieuses ; mais ce qui a principalement attiré l’attention sur le camp de Boulogne, ce ne sont point les simulacres de la guerre, les revues : ce sont les visites royales échangées en présence de notre armée. Après le roi Léopold sont