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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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14 septembre 1854.

Deux grands faits ont marqué les premiers jours de cette quinzaine. L’expédition, trop longtemps retardée peut-être, qui doit faire sentir à la Russie tout le poids de nos armes dans la Mer-Noire, est partie pour Sébastopol, et la réponse du cabinet de Saint-Pétersbourg aux propositions que l’Autriche s’était donné l’ingrate et difficile mission de lui présenter est arrivée à Vienne. Si l’expédition de Sébastopol avait besoin d’être justifiée, la réponse hautaine de la Russie prouverait combien un vigoureux effort était nécessaire, nous ne dirons pas pour triompher de sa résistance, mais pour rendre cette résistance impuissante. D’un autre côté, si l’on ne savait pas depuis longtemps combien les moyens tenues, les demi-mesures, les ménagemens, sont inutiles ou même dangereux dans certaines situations, l’expérience que vient de faire le cabinet de Vienne le démontrerait une fois de plus. Il s’est fait de la Russie une irréconciliable ennemie en se liant avec la France et l’Angleterre par la note du 8 août, en reconnaissant pour son compte que l’existence de l’empire turc, que l’équilibre et la liberté de l’Europe sont incompatibles avec le maintien des droits et de la prépondérance que les tsars avaient conquis sur le Danube et dans la Mer-Noire ; mais comme le même cabinet s’est jusqu’à présent refusé à devenir partie belligérante, à prendre l’engagement de confondre à jour fixe son action avec la notre, de mêler ses drapeaux et ses soldats avec les drapeaux et les soldats de la France et de l’Angleterre, l’empereur de Russie rejette ses instances et ne tient aucun compte de ses conseils, tandis que la France et l’Angleterre doivent lui savoir peu de gré d’une médiation inefficace, et, secrètement piquées de ses lenteurs, estiment moins chaque jour un appui moral qui ne laisse pas encore apercevoir le moment où il se transformera en une coopération active.

Assurément nous croyons à la loyauté de l’Autriche ; nous ne la soupçonnons pas d’arrière-pensées. Elle a fait ses preuves, elle a donné des gages, elle a marché dans notre sens, depuis qu’entraînée presque à regret peut-être, comme pour l’honneur de donner son nom à la conférence, dans la discussion de cette grande affaire d’Orient, elle ouvrait à la Russie une si large et