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Nous ne nous arrêterons pas sur les colonies agricoles de 1848. Au nombre de six, y compris Zurich, elles sont toutes groupées dans l’ouest de la plaine, sur la route de Blidah à Cherchell. La plus importante de ces colonies, Marengo, posée à l’extrémité de la Mitidja comme un trait d’union entre Blidah, Cherchell et la vallée supérieure de l’Oued-Ger, qui mène à Milianah, est destinée par sa position à devenir un second Bouffarick, si le barrage dont nous avons parlé est conduit à fin d’œuvre.

La colonisation de l’ouest de la Mitidja a un ennemi terrible dans le voisinage du lac Allonlah. Ce lac, aux émanations fiévreuses, est alimenté par les débordemens de la China et de l’Oued-Ger, qui longent ses deux extrémités à l’est et à l’ouest. Il suffit, il nous semble, d’expliquer comment ce lac pestilentiel s’est formé pour indiquer le moyen qui peut le faire disparaître. Si l’on versait l’Oued-Ger et la Chiffa dans le lac même, ces deux torrens chercheraient leur niveau d’écoulement qu’ils auraient perdu, et les détritus qu’ils amèneraient successivement exhausseraient peu à peu le lit du lac jusqu’à ce qu’enfin ce niveau d’écoulement fût retrouvé : de ce jour-là, le lac se trouverait comblé.

L’est de la Mitidja a été réservé tout entier aux villages de la troisième catégorie, c’est-à-dire aux centres de formation récente. Depuis 1850, trois villages ont été installés dans cette région. C’est d’abord le village mahonais du Fort-de-l’Eau, au bord de la mer, en regard d’Alger, Ce village, que les cultures maraîchères ont déjà enrichi, est un modèle de bon entretien. De l’autre côté de la plaine, sur les déclivités de l’Atlas, c’est l’Arba, qui reçoit les eaux de l’Oued-Djemma ; enfin, à deux lieues plus à l’ouest, près d’une source thermale, c’est Rovigo. Ce dernier est un peu en retard sur l’Arba, né le même jour que lui, mais où l’activité des cultures de coton et de tabac a été telle que ce village alimente à lui tout seul un service de voitures qui font le trajet d’Alger (32 kilomètres) trois fois par jour. Trois nouveaux villages sont en construction sur la route d’Alger à Dellys, — Aïn-Taya, Matifoux et Boudouaou. Le succès de ces villages est d’autant plus assuré, qu’ils trouveront un territoire plus riche, d’où les broussailles de chêne-liège et d’olivier ont absolument chassé les hideux palmiers-nains, ces nids de sauterelles. C’est ici, selon la tradition arabe, que la fée Mitidja avait caché ses trésors au milieu de jardins embaumés, et qu’elle venait dormir au murmure des fontaines et des eaux courantes. Aujourd’hui les fontaines n’ont pas encore toutes disparu, et les eaux courantes, dès qu’on leur rouvrira des canaux propices, ramèneront les jardins embaumés sur ce sol privilégié, où l’incendie même n’a pu avoir raison des hautes et belles broussailles qui le couvrent.

La Mitidja, avons-nous dit, n’a que 7,000 colons, y compris la population des fermes. Dès demain, si l’on veut, elle en peut nourrir 50,000. Il suffit pour cela de creuser de l’ouest à l’est, parallèlement à la ligne de l’Atlas et à l’issue des gorges, un grand fossé qui reçoive à leur descente, pour les distribuer par des dérivations régulières sur les terres, les neuf ou dix cours d’eau qui se perdent aujourd’hui dans le sein de la plaine en l’engorgeant, ou qui la traversent en la ravageant. Mais le jour où l’on emmagasinera par un système d’ensemble et pour les besoins de l’irrigation toutes les eaux qui