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eu d’autre souci que de prendre d’une localité où le hagard les poussait les ressources immédiates, semblables en cela à tous les barbares qui coupent un arbre pour en avoir un fruit Les soins de l’habitation leur étant inconnus, l’arbre, ce symbole de la propriété, a partout disparu sur leur passage. Lorsqu’il a résisté à la dent meurtrière de leurs troupeaux, l’incendie en a eu raison, L’incendie qui fait l’herbe plus épaisse pour le pacage. L’an dernier encore, passant en Kabylie au mois d’octobre, nous avons vu les indigènes mettre le feu aux broussailles d’une montagne sous prétexte, de se délivrer d’un couple de panthères qui en avaient fait leur retraite, mais en réalité pour procurer l’année suivante à leurs bestiaux le pacage qui commençait à leur manquer. C’est miracle qu’une végétation quelconque ait pu résister à ce système de dévastation périodique.

L’état a si bien compris l’utilité de l’arbre en Afrique, comme agent et régulateur atmosphérique, qu’il a écrit dans la loi qui règle les concessions territoriales l’obligation pour le colon de planter au moins vingt-cinq arbres par hectare concédé. Malheureusement les colons n’ont vu, la plupart du temps, dans cette clause de leur cahier de charges qu’une servitude onéreuse, et ils n’ont guère cherché jusqu’ici qu’à s’en affranchir au moins de frais possible. Ainsi, cherchant les endroits humides de leur concession, ils ont planté en terre le nombre voulu de gaules de peupliers d’Italie, et sitôt qu’ils ont vu poindre la première feuille, ils se sont dit naïvement : « Nous voilà quittes envers le domaine, n’y pensons plus. » Pourquoi le gouvernement, qui fait de grands sacrifices pour propager certaines cultures en Afrique, celle du coton par exemple, ne ferait-il pas des sacrifices semblables pour propager certaines plantations ? Pourquoi n’accorderait-il pas une prime au mûrier transplanté ou à l’olivier greffé après la troisième année de la plantation ou de la greffe ? C’est à une prime offerte par Colbert aux planteurs que nous devons l’introduction du mûrier en France. Si ce système de primes était adopté pour l’olivier et le mûrier d’Afrique, il en coûterait peut-être quelques millions à l’état ; mais, dans dix ans d’ici seulement, l’Algérie serait dotée d’une richesse considérable. Du reste, le gouvernement paraît vouloir entrer dans cette voie : un décret récent vient d’ouvrir des primes pour toutes les plantations faites au bord des routes. Ce n’est pas tout ce qu’on aurait pu attendre, mais c’est déjà quelque chose.

Ce développement des plantations d’utilité proprement dite ne suffit pas d’ailleurs ; les hautes futaies, qui ne donnent pas de revenu, sont également nécessaires à l’Afrique, et, pour le développement du sol forestier, les particuliers ne peuvent rien : c’est l’état qui doit être le vrai producteur. L’Algérie doit au gouverneur-général actuel, M. le comte Randon, une institution dont les bienfaits sont incalculables pour l’avenir de la colonisation africaine : c’est la création des compagnies de planteurs et bûcherons, une compagnie pour chaque province. C’est le premier essai de l’application régulière et organisée de l’armée d’Afrique aux travaux d’utilité publique. Peut-être ce premier essai, ayant déjà réussi, amènera-t-il la création de compagnies de cantonniers, de maçons, de pionniers, etc. Quoi qu’il en soit, les compagnies de planteurs algériens ont déjà rendu des services, malgré les inexpériences inévitables du début. Elles ont pour tâche, comme leur nom l’indique,