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vers le sud par le détroit de Behring ? C’est peut-être partiellement l’un et l’autre. Avant la découverte des Anglais sur la communication entre les eaux de la mer arctique américaine de l’est et les eaux de la même mer à l’ouest, j’avais prié M. Jacobi de Saint-Pétersbourg, l’inventeur de la galvanoplastie, et que l’Institut de France regrette de ne pas encore compter parmi ses membres, d’obtenir de son souverain que des tronçons d’arbres marqués convenablement fussent jetés à l’ouest de la communication cherchée pour être transportés à l’est au travers des glaces et même sous les glaces, et établir l’existence de cette communication, ce que ne peuvent faire les bouteilles flottantes ordinaires, beaucoup trop fragiles pour se frayer un chemin au travers des glaces ou au-dessous des champs de glaces polaires. L’essai reste à faire, et sans doute il sera mis en pratique maintenant par la marine anglaise ou par celle des États-Unis, devenues l’une et l’autre depuis quelques années hautement scientifiques (highly scientific). Nous dirons en passant que la Russie semblait désignée pour cette tâche par des antécédens que la France, ni l’Angleterre ne sauraient oublier, car il n’est pas un homme de science dans ces deux pays qui, tout en combattant nationalement de tout son pouvoir l’empereur Nicolas, ne regrette de voir un ennemi dans le fondateur de l’observatoire de Poulkova et dans le protecteur scientifique de Struve, de Kuppfer et de Jacobi !

Quant à ce qui regarde ce courant norvégien et son issue par le détroit de Behring ou par la baie de Baffin, nous saurons un jour, et sans doute ce jour n’est pas loin. Quoi qu’il en soit, le vent d’ouest, si favorable à l’Europe, vient expirer contre le mur infranchissable des monts Ourals, et, d’après plusieurs données, ce courant d’air semble tourner vers le sud, et aborder ensuite comme vent de nord les rives de la Mer-Caspienne et la Tartarie, par un effet semblable à ce qui se produit déjà à Constantinople et même un peu sur les côtes de l’Illyrie et à Marseille. La Sibérie, isolée ainsi à l’ouest par les monts Ourals, au sud par la chaîne de l’Altaï et des montagnes de la Daourie, qui la séparent météorologiquement des climats du sud, et à l’est par plusieurs rameaux de montagnes courant du sud au nord, comme la chaîne de l’Oural, offre donc un type unique, existant par lui-même sans rien emprunter ou fournir aux contrées voisines. Or cet isolement ne lui est guère favorable. Tandis que l’Europe compte par dizaines de millions les habitans des zones d’égale latitude, la Sibérie, d’après l’estime de M. Hill, n’en contient que quatre millions. Un autre géographe anglais, dont l’autorité est très grande, M. Wyld, auteur du grand modèle de la terre, que tant de Français ont admiré en 1851, dans Leicester-Square, à l’exposition de Londres, porte à près de cinq millions la population sibérienne ; mais où trouver tant