elle a marché, nous intéresse et nous émeut, parce qu’elle a aimé d’un amour vrai, d’un amour profond, et qu’elle s’est purifiée par la souffrance. Bien des gens que je n’accuserai pas d’hypocrisie s’étonnent de voir au chevet d’Arsène Guillot une femme du monde demeurée pure et invulnérable au milieu de toutes les tentations : j’ai beau sonder leur pensée, je ne peux l’accepter comme la preuve d’une piété vraie. La charité vient au secours des âmes souffrantes sans distinction, et n’abandonne pas celles qui souffrent par leur faute. Voilà ce qu’une femme du monde vraiment pieuse et pure n’oubliera jamais. Je suis donc loin de condamner la donnée d’Arsène Guillot, et je conçois très bien qu’elle ait tenté le talent de M. Mérimée. C’est un sujet périlleux sans doute, mais que le goût n’a pas le droit de proscrire. À quel propos jeter les hauts cris ? l’auteur a-t-il essayé l’apologie du vice ? A-t-il voulu réhabiliter la corruption ? En aucune manière. Il a voulu montrer l’action salutaire de la souffrance sur l’âme la plus dépravée, l’action bienfaisante de la charité sur les douleurs les plus cuisantes, et la sérénité d’un cœur pieux et pur en face de l’abjection. A-t-il réussi dans cette difficile entreprise ? C’est la seule question que nous ayons à résoudre. Or je ne crois pas possible de contester l’intérêt que l’auteur a su jeter sur les derniers momens d’Arsène Guillot. À quoi bon le chicaner sur le choix du sujet, puisqu’il a su l’ennoblir et le poétiser ? Il me semble d’ailleurs que les juges les plus scrupuleux auraient assez mauvaise grâce à prononcer l’anathème contre ce récit, car la mort d’Arsène Guillot n’excitera certainement aucune femme à suivre ses traces : c’est un sujet de compassion, et non d’émulation. Cette Madeleine repentante qui accepte avec tant de reconnaissance les consolations apportées à son chevet par un cœur sans souillure ne corrompra personne. Il y a trop d’angoisses, trop de vraie douleur dans ses derniers momens, pour que son exemple puisse être contagieux. Il est donc permis d’absoudre l’auteur au nom de la morale aussi bien qu’au nom du goût.
Le sujet de Carmen est assurément plus scabreux que celui d'Arsène Guillot, car il s’agit ici de nous montrer, non pas le vice ramené à Dieu par l’épuisement et la souffrance, mais le vice en action, le vice plein de jeunesse et d’énergie. Au premier abord, sans croire mériter le reproche de pruderie, on peut s’effrayer d’une telle donnée ; mais le distique de Palladas, placé en épigraphe, a de quoi rassurer les consciences les plus timorées : nous entrevoyons la mort comme expiation. Je regrette que l’auteur, au lieu d’entamer la narration dès la première page, ait cru devoir nous entretenir de ses investigations archéologiques : le champ de bataille de Munda n’a rien à démêler avec l’histoire de Carmen. Quant à l’épigraphe, je ne