Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/122

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne peut l’industrie américaine ? Un homme d’état du temps de l’empire disait plaisamment des habitans de Genève : « Quand vous voyez un Genevois se jeter par la fenêtre, jetez-vous-y tout de suite après lui, il y a encore cent pour cent à gagner. » La république de trente millions d’âmes a-t-elle sous le rapport utilitaire beaucoup à envier à la république de trente mille âmes (défalcation faite des annexes catholiques) ? Tout en admirant ces prodiges de navigation et de commerce, il va sans dire que je n’entends point comparer ces articles d’exportation empaquetés dans la sciure de bois, les feuilles de maïs et de canne à sucre, et des planches artistement jointes, avec ceux de nos vignobles, de nos mûriers, de nos arbres fruitiers et de nos marais salans, que le monde entier du pôle à l’équateur recherche et consomme, sans songer aux circonstances météorologiques auxquelles ils doivent leur existence. En faisant connaître aux lecteurs de la Revue mes cartes homalographiques, je mettrai sous leurs yeux le tableau des lignes d’égale chaleur et pour ainsi dire d’égal climat que M. de Humboldt a tracées sur le globe, en y joignant les limites des cultures qui en sont la suite. J’emprunte aux travaux de cet illustre savant cette remarque intéressante pour la France : c’est que vers le milieu de notre pays se trouve le point de plus beau climat du monde entier, en sorte que si vers l’orient du méridien de Paris, on choisit une localité déterminée, toute autre localité quelconque dans le monde entier, à pareille latitude, aura un climat moins favorable. La nature a donc fait beaucoup pour la France ; il reste à la France à faire beaucoup pour elle-même ! Aide-toi, le ciel t’aidera. Marchons sous les auspices encourageans de la science et de l’industrie, mais surtout sous les auspices de l’activité ! Tout le monde connaît les anathèmes de Napoléon contre le maladetto far niente.

Le courant atlantique d’eau chaude qui revient de Terre-Neuve à l’Angleterre pour redescendre vers les côtes d’Afrique et reprendre ensuite le chemin des côtes du Mexique et revenir encore vers les côtes d’Europe (circuit qu’il accomplit environ en trois ans et demi), ce courant, disons-nous, envoie une branche dérivée qui longe la Norvège, et, dépassant le Cap-Nord, va se perdre dans la Mer-Glaciale. Ce courant que la carte de M. Duperrey, qui fait loi en cette matière, prolonge au-dessus de la Laponie, de la Russie d’Europe et de la Sibérie jusqu’au détroit de Behring, que devient-il plus loin ? Continue-t-il son circuit par les mers glaciales au-dessus de l’Amérique russe, du Canada anglais, que depuis quelques mois nous savons être séparé de toute terre polaire[1], ou bien descend-il

  1. Voyez la Revue du 15 novembres 1853, article de M. Baude.