maritime ; mais au lieu de faire de bonnes affaires dans une telle spéculation, les commissionnaires et expéditeurs des saintes Écritures avancent à leur insu la ruine de toutes les sectes protestantes, qui sans exception vivent de la vie de la Bible, mais qui sans exception aussi seront absorbées par elle et s’engloutiront dans une autocratie biblique, je pourrais dire dans l’empire universel de la Bible. Cet empire, que l’aveugle dévotion avance à son insu, est précisément la grande démocratie future, où tout homme doit être évêque et roi dans sa propre maison, qui sera à la fois son église et son château. Oui, en répandant la Bible sur tout le globe, en la glissant pour ainsi dire dans les mains de l’humanité entière par toute sorte de ruses mercantiles, par la contrebande et le troc, et en la livrant ainsi à l’exégèse de la raison individuelle, ces propagateurs malavisés fondent le règne du pur sentiment religieux, de l’amour du prochain, de la vraie moralité enfin, qui ne peut être enseignée par des formules scolastico-dogmatiques, mais seulement par des images et des exemples, tels qu’il s’en trouve dans ce saint et beau livre d’éducation écrit pour des enfans de tout âge, et que nous appelons la Bible.
C’est un spectacle merveilleux que celui des pays où la Bible a déjà exercé depuis la réformation son influence salutaire sur les habitans, en imprimant à leurs mœurs, à leur manière de penser et à leurs sentimens ce cachet de la vie de Palestine qui se manifeste dans l’Ancien et dans le Nouveau Testament. Au nord de l’Europe et de l’Amérique, notamment dans les pays Scandinaves et anglo-saxons, en général chez les peuples d’origine germanique et en quelque sorte aussi chez les descendans des anciens Celtes, cette renaissance de la vie de Palestine est tellement prononcée, que dans ces contrées on se croirait transporté au milieu de véritables Juifs. Par exemple, les Écossais protestans, ne sont-ce pas des Hébreux dont les noms mêmes sont partout bibliques, et dont le jargon onctueusement parabolique et le cant peu charitable rappellent parfois la Jérusalem des Pharisiens ? On pourrait dire que la religion de cette Écosse dévote n’est qu’un judaïsme qui mange du porc. Il en est de même dans plusieurs provinces de l’Allemagne septentrionale, dans le Danemark et dans la Suède, sans parler de bien des nouvelles communes néo-hébraïques des États-Unis, où l’on singe d’une façon pédantesque les mœurs patriarcales de l’Ancien Testament. La vie de Palestine y paraît comme daguerréotypée, les contours en sont scrupuleusement justes : sans doute le tout a une teinte gris terne, et il y manque le coloris chaud et brillant de la terre promise ; mais la caricature disparaîtra un jour, et ce qui est vrai et impérissable, les bonnes mœurs, la vie chaste et probe de l’ancien judaïsme, fleuriront