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en présence des pages que M. Heine vient de terminer, et qui embrassent, on va le voir, les principales évolutions de sa vie intérieure, — chacun se rendra aisément compte des mobiles dont l’action successive a formé l’écrivain. On pourra l’observer dans ses premières effervescences et dans ses premiers désenchantemens. On aura le secret de ses haines et de ses sympathies, de ses gaietés et de ses colères. En nous montrant l’état de son esprit à deux époques, — celle où il écrivait l’Allemagne et celle où il s’est recueilli et interrogé sous les coups de la douleur, — M. Heine nous a en quelque sorte raconté sa vie tout entière, et s’il écrit un jour ses Mémoires, ainsi qu’il l’annonce, ce chapitre des Aveux peut en être regardé d’avance comme le substantiel résumé.

Il y a dans le récit psychologique de M. Heine, comme nous venons de l’indiquer, deux parties principales : — l’une relative à l’origine de son livre de l’Allemagne, l’autre racontant les mouvemens et les transformations par lesquels a passé depuis cette publication l’esprit du poète. C’est cette partie surtout qui nous paraît devoir appeler l’attention et que nous communique aujourd’hui l’auteur ; mais avant d’y arriver, il faut s’arrêter un moment avec M. Heine au milieu de ses impressions de jeunesse. Il faut le laisser expliquer lui-même comment il comprend les devoirs du poète en matière d’autobiographie.


Un Français spirituel, — ces mots auraient, il y a quelques années, formé un pléonasme, — un spirituel Français me nomma un jour un romantique défroqué. J’ai un faible pour tout ce qui est esprit, et quelque malicieuse qu’ait été cette dénomination, elle m’a beaucoup amusé : elle est juste. Malgré mes campagnes exterminatrices contre le romantisme, je restai toujours un poète romantique, et je l’étais à un plus haut degré que je ne m’en doutais moi-même. Après avoir porté à l’engouement pour la poésie romantique en Allemagne les coups les plus mortels, un désir rétrospectif s’empara de mon âme, et je me pris à soupirer de nouveau pour la mystérieuse fleur bleue dans le pays des rêves du romantisme ; je saisis alors la vieille lyre enchantée, et dans un poème tragi-comique je m’abandonnai à toutes les merveilleuses exagérations, à toute l’ivresse du clair de lune, à toute la magie bouffonne de cette folle Muse que j’avais tant aimée autrefois. Je sais que ce fut là le dernier chant du véritable vieux romantisme, et que je suis son dernier poète. L’ancienne école lyrique allemande a pris fin avec moi, tandis que j’inaugurais en même temps la nouvelle école, la poésie lyrique moderne de l’Allemagne. Cette double mission de destructeur initiateur m’est attribuée par les historiens de notre littérature. Il ne me sied pas de parler là-dessus avec développement, mais je puis du moins dire à bon droit que j’ai joué un rôle important dans l’histoire du romantisme allemand, et c’est pour cette raison que mon livre de l’Allemagne, où j’ai voulu présenter aussi complètement que