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LES AVEUX


D’UN POÈTE.




Il y a plusieurs années déjà, M. Heine tentait, dans son livre sur l’Allemagne, de faire pénétrer le lecteur français au milieu de la curieuse mêlée des systèmes et des écoles de son pays. Ardente glorification du naturalisme germanique, vives sympathies pour la France, élans vers la beauté grecque, opposition au romantisme, tout se mêlait dans cette œuvre étrange ; mais ce qui animait surtout le tableau, c’était la personnalité même du poète, c’était ce contraste de raillerie et de tristesse, d’âpre ironie et d’émotion, qui devait caractériser de plus en plus l’auteur d’Atta Troll. Quelles épreuves avaient ainsi trempé cette fine intelligence ? D’où lui venait à la fois tant d’amertume et tant d’enthousiasme ? À côté d’allures militantes qui semblaient indiquer des convictions arrêtées, que signifiaient ces échappées continuelles vers la bouffonnerie et le scepticisme ? Il y avait là une question à laquelle. M. Heine seul pouvait répondre. C’est une singulière et délicate étude que celle de l’âme d’un poète et d’un humoriste. Discerner quelles influences diverses s’y succèdent et quelquefois s’y combinent, c’est une tache malaisée pour la critique la plus pénétrante. Aussi un vif intérêt s’attache-t-il à toute œuvre où un poète cherche à éclairer le public sur le mouvement d’idées et de liassions qui s’est résumé dans ses écrits. Dans de tels Aveux[1], même incomplets, on retrouve toujours une somme d’indications suffisante pour s’expliquer les variations essentielles d’une destinée littéraire. Aujourd’hui par exemple, —

  1. C’est le titre que donne l’auteur à ces souvenirs, qui sont au moment de paraître en allemand chez MM. Hoffman et Campe à Hambourg, en tête du premier volume des Vermischte Schriften, recueil d’opuscules nouveaux de M. Henri Heine. « Les deux autres volumes de ce recueil, dit l’auteur dans une note jointe à ce travail, contiendront, sous le titre de Lutèce, une série d’essais sur la vie sociale et intellectuelle de la France pendant la période la plus brillante du règne de Louis-Philippe. Je compte donner au public une traduction française de ces essais. »