Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 7.djvu/114

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

passe une grande partie de son temps dans l’appartement de sa majesté, mais qu’une correspondance épistolaire occupe les heures où elle est absente des Tuilerie. Pour être juste envers Mme du Cayla, je dois ajouter que sa majesté ne pouvait admettre dans sa société une personne plus éminemment distinguée par ses qualités intellectuelles et personnelles. »


Le parti ultra-royaliste, dont le nom seul, trois ans auparavant, était encore pour la France et même pour l’Europe un objet de terreur, était donc enfin maître du pays, et par l’effet des changemens que les faits accomplis dans cet intervalle avaient apportés à l’état des esprits, son triomphe, accueilli avec une satisfaction plus ou moins complète par plusieurs de ceux qui l’avaient jadis tant redouté, était accepté par beaucoup d’autres avec résignation. La majorité de la nation le voyait avec défiance, avec inquiétude ; mais de tant d’agitations, un peu désenchantée par le triste avortement des tentatives démocratiques, elle n’était pas disposée encore à seconder la vive opposition que le parti libéral commençait déjà à la tribune et dans les journaux contre un ministère dont il avait favorisé l’avènement, et bien moins encore à s’associer aux complots des sociétés secrètes organisées depuis quelque temps sur tous les points du royaume, à l’exemple des carbonari italiens. Ces complots, facilement réprimés, n’eurent d’autre résultat que le supplice de quelques malheureux presque tous fort obscurs, et leur condamnation, en frappant de terreur les ennemis de la royauté, sembla, comme à l’ordinaire, fortifier le pouvoir, en attendant qu’elle devînt contre lui un chef d’accusation, une cause d’impopularité. C’est pour la dernière fois que la France vit alors dresser l’échafaud politique.

Le ministère, appuyé dans les chambres par une imposante majorité, et en dehors de ces assemblées par une opinion ardente dont la bruyante exaltation, au milieu du découragement des autres partis, pouvait lui faire croire qu’il représentait véritablement le sentiment public, était donc en mesure de diriger la politique du gouvernement dans le sens du royalisme le plus prononcé. Déjà, tout en supprimant la censure préalable qui pesait temporairement sur les journaux depuis la mort du duc de Berri, il avait substitué aux lois si libérales votées trois ans auparavant pour régler le régime de la presse périodique une législation nouvelle dont le but évident était de la placer dans la dépendance du pouvoir. D’autres mesures, conçues dans le même esprit et réclamées par le parti victorieux, se préparaient ; mais toutes les préoccupations intérieures ne tardèrent pas à s’effacer en quelque sorte devant une question extérieure qui tenait dans l’Europe entière tous les esprits en suspens : je veux parler de la situation de l’Espagne.

Les ultra-royalistes demandaient à grands cris qu’une armée