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tantôt purement didactiques, tantôt remplis d’aperçus trop libres ou de hors-d’œuvre qui ont été publiés avant notre époque ?

Depuis le XVIIe siècle, en effet, les questions relatives à la peinture ont été traitées dans notre pays a des points de vue bien différens, mais presque toujours avec un médiocre souci de l’exactitude historique. Les Entretiens de Félibien, le livre d’art le plus connu et aussi le plus recommandable qui ait paru sous le règne de Louis XIV, sont loin de témoigner à cet égard de scrupules fort sévères, et l’auteur, malgré son titre d’historiographe du roi, ne paraît pas avoir poussé ses études au-delà du strict nécessaire pour démêler en gros la vérité et satisfaire à peu près sa curiosité d’honnête homme. Il avoue d’ailleurs qu’il écrit principalement pour lui-même, pour « le plaisir qu’il prend dans l’entretien de tant de choses agréables et divertissantes, » et de peur d’abréger ce plaisir, il passe en revue les artistes de tous les temps et de tous les pays, depuis « Prométhée, fils de Japhet, homme de grand esprit qui fut en une merveilleuse estime parmi les peuples d’Arcadie[1] » jusqu’aux peintres qui décorent les appartemens du roi aux Tuileries et au palais de Versailles : le tout afin de complaire en apparence aux désirs de Pymandre, auditeur assez peu difficile sur les détails, interlocuteur discret qui, trop heureux d’écouter « les belles choses » que lui dit Félibien, laisse passer sans rien mettre en doute mainte anecdote suspecte, mainte proposition erronée. Cependant, si imparfait qu’il soit, l’ouvrage de Félibien mérite d’être consulté surtout en ce qui touche les peintres français du XVIIe siècle. Poussin, entre autres, avec qui l’auteur avait vécu à Rome dans une certaine familiarité et dont les œuvres et le caractère sont en plus d’un endroit dignement appréciés. Nous ne pouvons que mentionner en passant le poème du peintre Dufresnoy, de Arte graphica, le Cours de peinture, les Dissertations et les Dialogues de Roger de Piles ; dans le siècle suivant, les recueils publiés par d’Argenville, l’abbé de Marsy, Mariette, et plusieurs autres ouvrages fort estimés au moment où ils parurent, mais qu’aujourd’hui on ne lit guère, si tant est qu’on se rappelle même leurs titres. À l’exception du savant Mariette, les hommes qui prétendaient juger la peinture et les peintres de notre école ne faisaient ordinairement que confondre dans une admiration banale tous les talens et toutes les œuvres, ou professer, comme Dufresnoy, d’assez inutiles théories.

Tout cela, il est vrai, n’accusait pas des prétentions bien hautes, la critique d’art n’était encore qu’une forme innocente de l’apologie ou un prétexte à de timides essais techniques ; mais les articles de l’ Encyclopédie et les Salons de Diderot allaient lui donner une tout autre portée et faire un instrument de polémique, une véritable

  1. Entretiens, t. Ier, p. 45.