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réunirent momentanément pour le renverser, et dès l’ouverture de la session elles commencèrent les hostilités par le vote d’une adresse qui, au moyen d’une équivoque difficile à justifier, donnait une expression commune à des griefs absolument contradictoires. Les ministres ne cédèrent pas encore, le roi annonça même l’intention de les soutenir avec énergie ; mais la coalition irritée se livra à de tels emportemens, qu’on dut bientôt reconnaître qu’elle ne se dissoudrait pas avant d’avoir atteint son but, à quelque prix que ce fût. Louis XVIII vieillissait, sa santé affaiblie ne lui laissait plus la force nécessaire pour surmonter les obsessions dont l’entouraient les adversaires du cabinet. Une influence qui avait succédé auprès de lui à celle de M. Decazes s’employa efficacement à vaincre la répugnance qu’il avait jusqu’alors manifestée pour le parti ultra-royaliste, et le 14 décembre 1821 un nouveau ministère, où siégeaient, avec MM. de Villèle et Corbières, les représentans principaux de cette opinion, prit la direction des affaires.

On a dit que l’Angleterre et l’Autriche, inquiètes des bons rapports qui avaient longtemps existé entre l’administration du duc de Richelieu et le cabinet de Saint-Pétersbourg, et craignant que les affaires d’Orient n’eussent pour effet de resserrer cette alliance, un peu relâchée depuis les congrès de Troppau et de Laybach, avaient secrètement travaillé à préparer ce changement de ministère. Je n’ai à cet égard aucune donnée positive. Ce qu’on a publié de la correspondance de lord Castlereagh ne contient absolument rien qui soit de nature à nous faire présumer le jugement que les hommes d’état de l’Angleterre, et en particulier l’ambassadeur britannique à Paris, portèrent sur l’avènement du nouveau cabinet. On apprend seulement par une lettre de cet ambassadeur, antérieure de plus d’une année, qu’il avait vu avec satisfaction les commencemens de la faveur de la personne qui passa plus tard pour avoir contribué à frayer à M. de Villèle et à ses amis politiques l’accès du pouvoir. Voici ce qu’il écrivait à son gouvernement le 9 novembre 1820 :


« Le roi s’étant plaint à plusieurs reprises de la tristesse de la cour, et ayant fait entendre que l’absence de société depuis le renvoi du duc Decazes lui rendait son existence très pénible, il était depuis longtemps évident que sa majesté saisirait la première occasion de se créer des rapports confidentiels avec, quelque personne dont les manières et la conversation pussent l’amuser dans ses momens de loisir. Il n’existe plus aucun doute sur celle qui est honorée de cette distinction. La vicomtesse du Cayla,… se trouvant engagée dans un procès avec son mari, a cru nécessaire, il y a quelques mois, de s’adresser directement à sa majesté pour lui demander sa protection. Sa conversation ayant plu au roi, il lui a exprimé le désir qu’elle renouvelât sa visite, et il en est résulté une si grande intimité, que non-seulement elle