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n’accordait qu’à une époque privilégiée, on la reporte maintenant sur d’autres momens et d’autres faits, et si l’histoire de la peinture en France est encore à tracer dans son ensemble, les matériaux pour la composer ne font déjà plus défaut à l’historien.

Parmi les publications qui auront facilité à cet historien futur l’accomplissement de sa tâche, les Archives de l’Art français méritent d’être citées comme un répertoire précieux auquel il ne manque pour être de tous points utile qu’un goût plus sévère dans le choix des pièces. On pourrait demander à M. de Chennevières et à ses collaborateurs de témoigner moins habituellement leur sympathie pour tout ce qui se rattache à l’art au temps de Louis XV, et le recueil qu’ils éditent, trop riche en lettres de Natoire par exemple, laisse ailleurs soupçonner une indigence qui n’est peut-être que le résultat de la distraction. Ne serait-il pas mieux aussi de dispenser avec moins de libéralité et de complaisance des renseignemens sur les artistes morts depuis quelques années seulement ? Les Archives de l’Art français ont assez à faire d’enregistrer les détails relatifs aux artistes des temps passés : recueillir des faits si près de nous et auxquels d’ailleurs il n’est pas bien sûr que la postérité s’intéresse, c’est prendre un soin qui semble superflu. Cette publication est donc d’un certain côté un peu insuffisante, et, à d’autres égards, trop remplie. Telle qu’elle est cependant, on la consultera avec fruit, parce que les documens insérés, à défaut quelquefois d’une valeur historique fort sérieuse, se recommandent du moins par une parfaite authenticité.

Les pièces retrouvées et mises en lumière par M. Léon de Laborde dans son ouvrage sur la Renaissance des arts à la cour de France sont d’origine aussi peu suspecte. Elles ont de plus une grande importance, puisqu’elles éclaircissent un des points les plus curieux et en même temps l’un des plus ignorés de l’histoire de la peinture en France ; ce moment de lutte entre la manière italienne qui menace au XVIe siècle d’envahir notre école - et la manière nationale que les portraitistes surtout s’attachent à perpétuer. Pour faire sentir la portée de cette invasion et de ces résistances, il ne suffisait pas toutefois d’inventorier les travaux d’art exécutés dans les résidences royales, de relever les comptes des bâtimens et d’établir ainsi la part qu’avait eue chaque peintre aux faveurs et aux bienfaits des princes. Il fallait encore, et c’est ce que M. de Laborde a bien compris, définir les tendances de l’art à cette époque, examiner de près les talens qui les résument le mieux, et rectifier avec les erreurs chronologiques, les erreurs relatives aux œuvres mêmes et à l’estime qui leur est due. La Renaissance des arts à la cour de France est un livre qui satisfait à toutes ces conditions, Les productions de notre école au XVIe siècle n’y sont pas appréciées seulement