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durable en la réglant et en la dirigeant. Il en est résulté l’expérience des cinquante dernières années. Voilà pourquoi il est permis aujourd’hui d’admirer l’esprit de Voltaire, et de répudier les idées du XVIIIe siècle. C’est, pour notre part, la conclusion que nous tirerions du discours de M. Villemain et de M. de Salvandy.

Le XVIIIe siècle n’était du reste qu’un hôte très passager de l’Académie l’autre jour. Il a bientôt fait place aux lauréats de tous genres. M. de Salvandy disait dans son discours que ce serait une grande chose de placer à côté de l’inventaire de nos richesses et de nos œuvres littéraires un inventaire moral rendant compte à un peuple de ses mœurs, de ses croyances, de ses vertus, c’est-à-dire de ce qui fait à la fois sa force et son génie. C’était placer sans doute sous un noble idéal les concours de l’Académie. Il reste à savoir s’ils atteignent toujours à cet idéal par les œuvres qui sont couronnées. En réalité, le charme principal de ces séances académiques de chaque, année, c’est le rapport de M. Villemain. Il semble que cette parole savante et lumineuse laisse tomber un éclair d’illustration sur des ouvrages qui souvent ne pouvaient s’attendre à une semblable fortune. Au milieu de ces divers travaux qui touchent à la philosophie, à l’histoire, à la poésie, le discours de M. Villemain se déroule, laissant tomber les leçons, caractérisant les œuvres, rajeunissant les faits, mêlant les vues ingénieuses aux traits éloquens, et faisant de toutes ces choses différentes un ensemble rare qui est lui-même un tableau complet. M. Villemain avait à parler cette année de bien des travaux couronnés, au premier rang desquels sont le livre de la Connaissance de Dieu, de M. l’abbé Gratry, et le livre du Devoir, de M. Jules Simon. Comment ces deux livres se sont-ils trouvés réunis ? Il y a sûrement entre les doctrines dont ils sont l’exposé plus de différences que de points de contact, peut-être même pourrait-on dire que dans le fond ils sont la contradiction l’un de l’autre. Une transaction est intervenue sans doute, et les deux ouvrages ont été couronnés ensemble. Ceci est la part de la philosophie. La couronne poétique est échue à un poème de Mme Colet sur l’Acropole d’Athènes, qui est en effet d’une versification élégante et tout académique, pleine des souvenirs de la Grèce. Il est souvent bien des ouvrages décorés de la palme académique, fruits d’un zèle laborieux, et au sujet desquels on peut se demander pourtant en quoi ils contribuent à l’amélioration des mœurs. Un Essai de M. Léon Fougère sur Henri Estienne ne rentre peut-être pas complètement dans ce cadre à un point de vue général, bien qu’il ait mérité le prix académique ; mais une telle esquisse a du moins l’avantage de pouvoir être utile aux mœurs littéraires. Elle montre ce que c’est qu’une de ces existences savantes, studieuses et vouées au travail. Quand on ne suivrait pas l’exemple jusqu’au bout, ce serait déjà beaucoup de se laisser gagner au charme vigoureux de cette puissance de labeur et de cette obstination dans l’étude. C’est ainsi qu’une séance à l’Académie devient une sorte de voyage à travers tous les souvenirs, toutes les idées et toutes les impressions littéraires.

Rentrons dans la politique. Il y avait longtemps que la Belgique était à l’abri de toute complication intérieure ; elle s’est trouvée ces jours derniers en présence d’une crise ministérielle. Le cabinet de Bruxelles a offert sa démission au roi. Est-ce dans le mouvement des partis qu’est l’explication de