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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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31 août 1854.

Voici déjà deux mois que les affaires d’Espagne sont venues se mêler aux affaires d’Orient, et que les regards de l’Europe se portent alternativement vers ces deux points du monde politique. Ce ne sont pas les seules questions qui s’agitent actuellement sans doute ; elles sont les plus graves par leur signification, par les intérêts qu’elles résument sous une forme si différente. L’une est la question toujours pendante de la sécurité et des rapports généraux de l’Occident, et elle reste assurément la première ; l’autre est une phase, un incident de ce travail d’institutions et d’idées qui change si souvent de théâtre dans notre siècle, et qui se poursuit sans qu’on sache encore si c’est au profit ou au détriment des peuples. Prises dans leur ensemble, ces deux questions représentent les deux faces d’un même problème, qui consiste pour la civilisation contemporaine à s’organiser intérieurement, à trouver son équilibre et à se défendre contre les dangers extérieurs qui la menacent. Il n’y a point heureusement d’autre point de contact entre les affaires d’Orient et les affaires d’Espagne, qui suivent aujourd’hui leur cours naturel. D’un côté c’est la guerre qui continue pour le moment, de l’autre c’est la lutte confuse de tous les élémens intérieurs d’une société profondément troublée.

Si la paix que l’Europe attend de la guerre actuelle, suscitée par la Russie, est encore un problème, les événemens se développent du moins de façon à la préparer et à laisser entrevoir déjà quelques-unes de ses conditions irrévocables. Ils attestent l’efficacité des armes de l’Angleterre et de la France en même temps qu’ils resserrent de plus en plus la coalition de tous les intérêts européens. La prise de Bomarsund dans la Baltique, les préparatifs de l’expédition de la Mer-Noire, les pas nouveaux faits par l’Autriche dans la voie d’une action décisive, l’entrée de son armée dans la Valachie, l’évacuation des principautés par les forces russes, tous ces faits réunis sont la plus