Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 6.djvu/859

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

notre politique de ne pas laisser s’établir entre nous et les Turcs cette espèce d’intervention des cours étrangères, qui justifierait une garantie semblable, intervention qui ne manquerait pas de s’exercer dès lors au moindre différend entre le cabinet de Saint-Pétersbourg et la Porte. Par suite de notre position géographique vers le midi et de celle du Bosphore, qui en est la clé, une influence prépondérante à Constantinople forme un de nos premiers besoins. Nous la réclamons, et nous sauvons la maintenir… Avec la convention d’Akerman, avec les leçons dont elle a été accompagnée pour le divan, avec les droits qu’elle nous assure, avec la pacification de la Grèce…, nul doute que nous n’ayons lieu d’être entièrement satisfaits, que par conséquent aucun intérêt ne nous force à hâter la chute de l’empire ottoman, et qu’il ne nous soit peut-être plus facile d’exercer sur les Turcs que sur toute autre puissance cet ascendant nécessaire dont nous parlions tout à l’heure ; mais entre une absence d’intérêt et un engagement formel, la différence est grande[1]. » Lorsque la guerre eut éclaté entre la Russie et la Porte, après la première campagne, à la fin de 1828, M. de Metternich, se repliant sur son troisième principe, proposa au cabinet de Londres, à la Prusse et à la France, de se concerter pour intervenir entre la Russie et la Turquie, et rétablir la paix[2]. Cette proposition ou plutôt cette insinuation offensa plus vivement que les autres le cabinet de Saint-Pétersbourg, et souleva dans la diplomatie russe un violent orage contre M. de Metternich. » Dans aucune hypothèse, écrivait M. de Nesselrode, un pareil projet ne saurait être admis par la Russie[3]. » Ce fut la dernière tentative de M. de Metternich.

Le ministre autrichien resta isolé en Europe. La Prusse se tenait à l’écart dans une inaction favorable à la Russie. En Angleterre, l’opinion était absorbée par les ardentes questions intérieures de l’émancipation des catholiques et de la réforme parlementaire. Le sens droit et pratique du duc de Wellington l’inclinait, il est vrai, aux ouvertures de l’Autriche ; mais le malheureux penchant du gouvernement français de cette époque pour l’alliance russe rendait impossible toute résistance collective de l’Europe contre la Russie au nom des principes si véritablement conservateurs posés par la politique autrichienne. Par exemple, à cette si prudente proposition de concert des quatre puissances, M. de Laferronays, notre ministre des affaires étrangères, répondait par la déclaration suivante, adressée à

  1. Dépêche très réservée au prince de Lieven. Portfolio, t. V, p. 348-349.
  2. Dépêche très réservée du comte Pozzo di Borgo, 14 décembre 1828. Portfolio, t. II, p. 99.
  3. Dépêche du comte de Nesselrode à M. de Tatistchef, 12 février 1829. Portfolio, t. IV, p. 13.