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d’Angleterre ; car in était fondé à supposer que le cabinet de Londres, d’ordinaire si susceptible quand les intérêts du commerce sont en jeu, ne verrait pas sans déplaisir cette faveur nouvelle concédée à la Belgique, qui jouissait déjà d’un tarif réduit pour l’importation en France des houilles et des fontes.

La Belgique ne se borna pas à méconnaître les avantages incontestables de la convention ; elle nous devint presque hostile. Dès le mois d’août 1842, elle étendit au Zollverein les dégrèvemens stipulés en faveur de nos produits, et en 1844 elle conclut un traité de commerce avec la Prusse. Dans l’intervalle, elle avait élevé les droits sur les tissus de laine, sans excepter de cette surtaxe les tissus français. L’ensemble de ces actes, et surtout les tendances allemandes du cabinet de Bruxelles, furent énergiquement dénoncés au sein de la chambre des députés, lorsqu’elle fut appelée en 1845 à sanctionner par son vote les clauses douanières contenues dans le traité. Le ministère lui-même avoua que la Belgique n’était point demeurée fidèle à l’esprit qui avait inspiré les négociateurs, et que le traité devait être révisé. La chambre des députés ne ratifia la convention que sous cette réserve, et dans l’intérêt exclusif de notre politique étrangère.

Le traité expirait le 10 août 1846. Dans le courant de 1845, on entama de nouvelles négociations, et un second traité fut conclu le 13 décembre. Les débats qui avaient eu lieu au sein de la chambre des députés imposaient au gouvernement français le devoir d’exiger de la Belgique des conditions plus équitables, et en particulier la suppression de la contrefaçon. Sur ce dernier point, les résistances furent invincibles. Pour les clauses commerciales, on parvint à s’entendre. Le tarif différentiel accordé aux fils et tissus de lin belges fut maintenu, mais seulement pour l’importation de quantités déterminées. Toutefois cette limitation, établie en vue de calmer les inquiétudes de l’industrie française, était, à vrai dire, nominale, car elle dépassait les chiffres que pouvait atteindre, même dans les conditions les plus favorables, l’importation belge. Un dégrèvement pour les machines et mécaniques et pour les ardoises compléta l’ensemble des concessions faites à la Belgique. De son côté, la France obtenait, indépendamment du maintien des clauses de 1842, relatives aux vins et aux soieries, certaines faveurs ou garanties applicables aux sels, aux fils et tissus de laine et de coton.

Ce second traité provoqua en France et en Belgique des objections analogues à celles qui s’étaient déjà produites lors de l’examen de la première convention. Par une fatalité étrange, ces actes, qui étaient destinés à resserrer l’union des deux peuples, ne semblaient propres qu’à soulever des discussions irritantes et à envenimer les rapports mutuels. Et cependant, de part et d’autre, les intérêts les plus essentiels avaient reçu pleine satisfaction : pour la Belgique, l’intérêt des Flandres ; pour la France, l’intérêt politique. Il n’en fallait pas davantage pour justifier un traité qui réalisait à ce double point de vue la pensée des négociateurs, et l’on s’explique difficilement, surtout en présence des échanges prospères qui se maintinrent entre les deux pays, les critiques dont il fut l’objet. Quoi qu’il en soit, les chambres ne consentirent à le sanctionner que pour un terme de six années.

Nous nous bornons à enregistrer le traité de navigation du 17 novembre