l’Allemagne. Il y avait en outre, dans la suppression des frontières de douane et dans la communauté du régime commercial, une garantie de bonne entente et d’union qui devait faire tourner complètement à notre profit le principe de neutralité proclamé contre nous lors de la constitution de la nationalité belge. Conçu dès 1835, ce projet fut tour à tour abandonné, repris, ajourné sous la pression des influences si diverses qui, soit à l’intérieur, soit au dehors, s’agitaient en présence d’une telle éventualité. L’Angleterre et l’Allemagne n’étaient pas indifférentes, on le pense bien, à la réalisation d’un plan qui reculait jusqu’à l’Escaut les frontières commerciales de la France. Cependant les deux gouvernemens, d’accord avec les penchans et avec les intérêts dynastiques de leurs souverains, ne se seraient point arrêtés devant les susceptibilités inquiètes des cours étrangères, et tout porte à croire que l’union douanière, eût été définitivement consommée, si l’opposition la plus violente n’était venue de certains partis qui, en France et en Belgique, par des motifs très différens, croyaient apercevoir dans la mesure projetée la source de graves périls. En Belgique, les représentans des principales industries, sauf ceux de la contrefaçon, acceptaient l’union douanière ; mais les politiques prétendaient qu’elle porterait une atteinte à l’indépendance nationale, et qu’elle réduirait le royaume de Belgique à l’état de département français. En France au contraire, les esprits politiques la désiraient ardemment comme une force nouvelle pour le pays, tandis que les industriels la repoussaient de tous leurs efforts, en alléguant qu’elle exposerait les manufactures, et en particulier les usines métallurgiques, à une concurrence mortelle. Il est superflu de reproduire aujourd’hui les argumens qui furent invoqués de part et d’autre au sujet de cette grave question. À deux reprises, en 1840 et en 1842, l’union, triomphant des objections secondaires que les intérêts lui opposaient, fut à la veille d’aboutir ; mais, au moment de signer l’acte, le courage manqua, et rien ne fut fait. Ce fut une lourde faute. Déjà, en 1838, les chambres belges, dans un accès de mauvaise vouloir, avaient refusé de ratifier un traité de navigation que l’on avait conclu à grand’peine, et dont les stipulations paraissaient des plus simples ; en 1842, à la suite du dernier échec subi par le projet d’union, l’opinion publique à Bruxelles, à Gand, à Anvers, pressait le ministère de rompre avec l’alliance française, et de se tourner définitivement vers l’Allemagne.
Ce mouvement de conversion vers le Zollverein était, en effet, représenté comme la solution inévitable de la crise. On reconnaissait que la Belgique, avec son immense production industrielle, ne pouvait se contenter de son propre marché, et qu’elle avait absolument besoin de se procurer au dehors un débouché régulier et considérable. Dépourvue de marine, elle renonçait aux échanges transatlantiques ; il fallait donc qu’elle trouvât ce débouché sur ses frontières, et, la France lui échappant, elle devait nécessairement se retourner vers l’Allemagne. De son côté, le Zollverein, éclairé par l’expérience sur les avantages de l’association, se montrait tout disposé à s’unir intimement avec un pays qui lui offrait, par le port d’Anvers, une ouverture plus directe sur l’Océan. Aussi, bien que cette nouvelle alliance rencontrât également de graves objections, les esprits l’envisageaient assez volontiers, et le