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de ne pas croire à la divinité de la religion qu’elle enseigne. Le libre examen peut produire des libres penseurs ; j’avoue qu’il en a produit parmi les protestans, mais certes pas en plus grand nombre qu’il ne s’en est montré parmi les catholiques, et c’est notre église qui a nourri dans son sein les plus célèbres ennemis de la foi. En second lieu, des conséquences possibles ne sont pas des conséquences nécessaires. De ce que la lecture des livres sacrés peut engendrer des incrédules, il ne s’ensuit pas qu’elle soit une école d’incrédulité. D’abord ce n’est pas à cette fin que les réformés prescrivent cette sainte lecture. C’est en général au nom de la foi, c’est en vertu d’une foi antérieure qu’ils recommandent l’étude des deux Testamens. Ils pensent que la foi par là se développe et se fortifie, et que c’est dans ce commerce avec l’esprit révélateur que s’accomplit éminemment cette inspiration surnaturelle qui rend l’homme croyant et justifié, en un mot le miracle de la grâce, le seul miracle à vrai dire qu’ils admettent depuis les temps apostoliques. Maintenant, que l’esprit humain, flexible et changeant, puisse être affecté diversement par les mêmes pensées et les mêmes recherches, qu’il puisse dériver l’incrédulité de la source où il devrait puiser la foi, on sait que le vent de la grâce souffle où il lui plait. Eriger les résultats éventuels en résultats inévitables, ou, comme je l’ai dit, des conséquences possibles en conséquences nécessaires, est une des exagérations, tranchons le mot, un des sophismes les plus usités en théologie comme en politique. Par opposition à cette logique étroite qui falsifie les faits et réduit la religion à une science abstraite où il ne s’agirait que de principes et de conséquences, considérons plutôt les croyances dans l’âme humaine, et voyons dans la religion un état intérieur de l’humanité. Il n’y a point dans cette vie de religion en dehors de l’homme religieux. Avant tout, la conscience et le salut des individus, voilà ce qui importe ; le reste n’est que de la dialectique sur le papier. Or la nature humaine est telle qu’une certaine diversité dans la foi est loin d’en affaiblir l’empire. Lorsque toutes les sortes d’esprits et de caractères peuvent rencontrer dans le même ensemble de textes, de faits et d’idées, des motifs différens, mais appropriés à leurs besoins, de se donner une règle religieuse et morale, lorsque sans contrainte et sans formulaire on peut à son gré se soumettre par déférence pour la tradition ou par respect pour l’église établie, par l’étude rationnelle d’un texte ou par cette action intérieure et mystique qui est plus proprement l’inspiration, la foi en est souvent plus sincère, plus intime, plus fervente, plus générale. Ces variations tant accusées sont peut-être des liens qui rattachent un plus grand nombre d’appelés au centre de l’Evangile. L’uniformité rigoureuse des symboles en est peut-être altérée, mais la somme de piété en