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et la nécessité de pourvoir à leur propre sûreté et à celle de l’Europe avaient pu seules leur dicter ; » que « dès lors les augustes souverains s’étaient décidés à faire cesser l’occupation ;… » que « la convention du 9 octobre avait sanctionné cette résolution, et qu’ils regardaient cet acte solennel comme le complément de la paix générale. »

Le 15 novembre enfin, un document formel constata la rentrée de la France dans le concert européen et son admission au nombre des puissances qui, depuis cette époque, ont formé, pour ainsi parler, le directoire de l’Europe. Le duc de Richelieu signa, avec les représentans des quatre cours, un acte par lequel ils déclarèrent que « les cinq grandes puissances étaient fermement décidées à ne s’écarter, dans aucune de leurs relations, du principe d’union intime qui avait présidé à leurs rapports ; » que « cette union n’avait pour objet que le maintien de la paix générale fondé sur le respect religieux pour les engagemens consignés dans les traités et pour la totalité des droits qui en dérivent ; » que « la France, associée aux autres puissances par la restauration du pouvoir monarchique, légitime et constitutionnel, s’engageait à concourir désormais au maintien et à l’affermissement d’un système qui avait donné la paix à l’Europe et qui pouvait seul en assurer la durée, et que des réunions particulières, soit entre les souverains eux-mêmes, soit entre leurs ministres plénipotentiaires respectifs, pourraient avoir lieu, si elles étaient jugées nécessaires. »

Le jour même où cet acte reçut la signature du ministre de France à côté de celle des ministres de la coalition, ces derniers, par une sorte de contradiction qu’expliquent sans doute les inquiétudes renaissantes sur l’état intérieur de la France et la nécessité de donner une satisfaction aux cours germaniques, signèrent entre eux deux autres traités qui renouvelaient, pour le cas où de nouvelles révolutions viendraient à éclater parmi nous, les engagemens du traité de Chaumont et du traité secret du 20 novembre. Il n’est pas besoin de dire que ces derniers arrangemens ne furent pas publiés.

Je viens de rapporter les actes principaux du congrès d’Aix-la-Chapelle. Ils semblaient proclamer la consolidation définitive d’un système fondé sur un parfait accord de vues entre toutes les grandes puissances, et cependant on touchait à l’instant où l’apparence même de cet accord devait commencer à s’altérer. Dès ce moment, pour qui eût pu lire la correspondance de lord Castlereagh avec les autres membres du cabinet britannique, il n’eût pas été difficile de prévoir que la force des choses entraînerait un peu plus tard ce cabinet à se séparer de l’alliance continentale, à s’ériger en antagoniste de la Russie. Il est probable que ce résultat aurait été obtenu beaucoup plus tôt, si tout autre que lord Castlereagh eût dirigé la politique extérieure de l’Angleterre. La grande part que ce ministre avait prise