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de son armée et de fixer l’époque de la prochaine évacuation des principautés danubiennes. Faute d’une réponse satisfaisante, le cas de l’action prévue par l’alliance du 20 avril existerait par ce fait même. Toutefois encore l’offensive pour l’Allemagne ne serait déterminée que par l’incorporation des principautés à la Russie ou par une attaque de la ligne des Balkans. Enfin une disposition principale stipule que les autres états de la confédération germanique seront invités à adhérer à l’alliance.

De là est née la conférence tenue à Bamberg par les états secondaires de l’Allemagne pour délibérer sur une résolution commune. Cette réunion avait lieu, à ce qu’il semble, sous l’inspiration de la Bavière, et elle paraissait au premier abord peu favorable à une adhésion sans conditions au traité du 20 avril. Le cabinet de Munich était principalement dirigé par la pensée de sauvegarder la couronne du roi Othon, prince bavarois, comme on sait, et dont la succession, faute d’héritier direct, est jusqu’ici dévolue à son frère, le prince Luitpold de Bavière. Ce qui a triomphé, assure-t-on aujourd’hui, dans ces délibérations des états secondaires germaniques, c’est une adhésion pure et simple à la convention austro-prussienne, qui reste le symbole de la politique de l’Allemagne.

L’Autriche, de son côté, d’après l’article additionnel du traité, s’est préoccupée d’adresser à la cour de Saint-Pétersbourg une note où sa politique paraît devoir se dessiner nettement. Dans cette note, dont l’envoi ne peut tarder après le dernier protocole du 23 mai, le cabinet de Vienne réclamerait la suspension de toute opération de l’armée russe et l’évacuation prochaine des principautés. Tout ce qui serait en dehors de ces deux points devrait être considéré par lui comme une attaque qui le mettrait dans le cas de légitime défense prévu par la convention du 20 avril. Le roi de Prusse, dit-on, s’est ému au premier instant du sens que l’Autriche donne au traité. Dans tous les cas, il est une chose faite pour le ramènera une appréciation plus exacte de la situation actuelle : c’est que l’empereur Nicolas paraît s’être montré également irrité de sa modération et de la netteté de l’Autriche. Les ouvertures de la cour de Berlin auraient même reçu à Saint-Pétersbourg un accueil peu obligeant pour le roi Frédéric-Guillaume personnellement. Il faut aller au fond des choses et se rendre compte du point où la convention austro-prussienne conduit la question qui tient actuellement l’Europe dans l’anxiété.

C’est de cette convention que dépend aujourd’hui en grande partie le tour que vont prendre les événemens. Ce qui en fait un acte important et décisif, c’est qu’à travers toutes les interprétations diverses dont peuvent être susceptibles certaines dispositions en effet assez vagues, il en ressort invinciblement deux cas de guerre qui mettent l’Allemagne en face de la Russie : l’incorporation des principautés et l’attaque ou le passage de la ligne des Balkans. L’Autriche n’en doutait pas quand elle a signé la convention du 20 avril. Ces cas de guerre se réaliseront-ils ? Par le fait, on peut dire qu’ils existent dès ce moment. Quant aux principautés, la Russie ne pourrait évidemment donner à l’Autriche la satisfaction qu’elle réclame qu’en assignant un terme précis à son occupation. Si elle ne fixe point une limite de temps, si elle rattache l’évacuation des provinces moldo-valaques à une paix éventuelle, quelle différence y a-t-il, au point de vue pratique, entre une occupation indéfinie