Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/987

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

suffisante[1]. Un mois après, M. Drouyn de Lhuys, ayant reçu de la Turquie des assurances de cette nature, exprimait à lord Cowley l’espoir que la question était terminée[2]. Les réclamations de la légation russe à Constantinople trompèrent cette espérance. À la fin de décembre, impatient d’arriver à une solution, M. Drouyn de Lhuys, accueillant une suggestion de lord Cowley, lui annonçait qu’il avait écrit à M. de Lavalette de se mettre en communication directe avec le chargé d’affaires russe, et qu’il se proposait de donner à M. de Castelbajac des instructions pour qu’il fit à Saint-Pétersbourg des ouvertures dans ce sens, et que la question fût traitée et résolue à l’amiable entre les deux gouvernemens[3]. Il n’y avait pas, en effet, de voie plus naturelle et plus convenable pour arriver à une entente et à un accord satisfaisant. Au lieu de recourir à l’arbitrage d’un gouvernement musulman, étranger à la querelle, et d’en faire peser sur lui la responsabilité et les embarras, n’était-il pas plus digne de deux gouvernemens chrétiens de s’expliquer loyalement entre eux ? Le gouvernement français adopta franchement ce parti. Dès le 6 janvier 1853, lord Cowley écrivait à lord John Russell : « M. Drouyn de Lhuys a déjà exprimé à M. de Kissélef le désir de voir se terminer la question des lieux-saints d’une façon satisfaisante et honorable pour les deux gouvernemens. Le gouvernement français, a-t-il dit, ne veut pas pousser son droit à l’extrême, et si le gouvernement russe veut se réunir à lui dans le même esprit de conciliation, il ne voit pas de raison pour que l’affaire ne s’arrange pas amicalement entre eux[4]. »

Comment la Russie répondit-elle à ces dispositions conciliantes ? Au moment même où M. Drouyn de Lhuys en faisait part à lord Cowley, il est curieux de voir le langage que M. de Nesselrode tenait au ministre d’Angleterre à Saint-Pétersbourg, sir Hamilton Seymour[5]. Il était menaçant et raide. Le ministre anglais témoignait l’anxiété que lui inspirait la question des lieux-saints : — Et vous avez bien raison d’en être inquiet, répondait M. de Nesselrode, car je ne vous cacherai pas que c’est une très mauvaise affaire. — Sir Hamilton disait qu’il était très désirable que la question fût abordée dans un esprit de conciliation, et que l’on ne cherchât point à aggraver la périlleuse situation de la Porte, par suite d’un différend soulevé entre la France et la Russie : — Je ne vois pas de terme moyen, — répliquait

  1. Lord Cowley to the earl of Malmesbury. Corresp., part I, no 43.
  2. Lord Cowley to the earl et Malmesbury. Corresp., part I, no 47.
  3. Lord Cowley to lord John Russell. Corresp., part I, no 59.
  4. Corresp., part I, no 61.
  5. Sir G. H. Seymour to the earl of Malmesbury. Corresp., no 62. — La dépêche de lord Cowley est du 30 décembre, et celle de sir Hamilton Seymour du 31.