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souverainetés territoriales toute la noblesse immédiate, placée jusqu’alors, comme chacun sait, sous la dépendance directe de l’empereur. Aucun lien fédératif ne rassemblait plus ces nombreux et faibles gouvernemens, et l’anarchie était venue s’asseoir sur les débris de l’œuvre des siècles. La place était donc vide pour la nouvelle confédération du Rhin, titre modeste sous lequel Napoléon consentit à cacher une domination qui, durant les premiers temps, humilia plus les amours-propres qu’elle ne blessa les intérêts. Une diète siégeant à Francfort, composée de deux collèges seulement, et dont l’empereur des Français désignait l’archi-chancelier, remplaça l’antique mécanisme brisé par notre épée. Les princes confédérés, tous agrandis directement aux dépens de l’Autriche ou par l’adjonction des anciennes principautés ecclésiastiques qui avaient fait sa force dans l’empire, se déclaraient en état d’alliance offensive et défensive avec la France, et prenaient l’engagement de l’assister à toute réquisition d’un contingent de soixante-trois mille hommes. Dès le mois de juin 1806, plusieurs mois avant Iéna, trois ans avant Wagram, l’empire dépassait le Rhin, et soixante mille soldats allemands, mis par un traité solennel à sa disposition absolue, lui composaient déjà une avant-garde vers le Nord. Pendant ce temps, que se passait-il au Midi ?

L’empereur avait appris, avec une joie dont l’ardente expression éclate dans toutes ses paroles, que la maison de Naples, excitée par l’Angleterre et par la Russie, avisée des secrètes dispositions de la Prusse et comptant sur une issue fort différente de la guerre de 1805, avait, sous le coup du désastre essuyé par notre flotte à Trafalgar, ouvert ses ports aux pavillons ennemis de la France. Annoncer au monde, par une proclamation officielle, que cette branche de la maison de Bourbon allait cesser de régner, rassembler une armée pour exécuter cette sentence, mettre à sa tête son frère Joseph et le désigner ainsi d’avance pour prendre possession d’un royaume que l’empereur se tenait pour assuré de conquérir dès qu’il l’attaquait, tout cela fut aussi rapide que l’étaient toujours les éclairs de sa pensée et les foudroyantes résolutions de sa volonté. Le fils adoptif de Napoléon occupait sa place à Milan ; son frère aîné allait régner à Naples ; il n’y avait donc plus qu’à procurer la Sicile à Joseph, pour donner dans la Méditerranée à la France, déjà maîtresse de toutes les côtes de l’Adriatique jusqu’aux bouches du Cattaro, une situation sans égale. Napoléon s’assimilait de plus en plus l’Italie. Le duché de Lucques avait été attribué à la princesse Elisa, sa sœur ; ceux de Parme et de Guastalla étaient destinés à d’autres établissemens de famille. Il faisait prendre pied à sa maison dans toutes les parties de la péninsule, en même temps qu’il posait la couronne ducale de Berg