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de l’année 1663. Ajoutez que les lettres de Mme de Longueville se rapportent à des affaires bien plus relevées. Parlons-en donc, comme on dit, tout à notre aise, et, selon l’usage, commençons par reconnaître d’où viennent et en quoi consistent ces documens, jusqu’ici entièrement ignorés, et qui vont voir le jour pour la première fois.

La correspondance dont nous allons rendre compte devait faire partie autrefois des papiers de Valant, puisqu’on y trouve des notes de la main bien connue du docteur : mais elle en a été distraite depuis fort longtemps, et elle reposait à part sous une assez vieille poussière dans un coffret de fer-blanc, d’où M. Hauréau, l’un des plus instruits et des plus zélés conservateurs qu’ait jamais eu la bibliothèque nationale et qu’elle a malheureusement perdu, l’a tirée en 1850 pour en composer deux volumes inscrits aujourd’hui au Supplément français sous le n° 3029. Ce sont des autographes, la plupart du temps non signés, quelquefois avec la signature A. G. (Anne (Geneviève). Les cachets sont encore intacts ainsi que les attaches de soie dont on se servait alors pour fermer les lettres. Il y en a là plus de deux cents, toutes de la main de la princesse ; mais on n’a point les réponses de la marquise : elles ont été détruites, conformément à la promesse que les deux amies s’étaient faite de brûler leurs lettres à mesure qu’elles les auraient lues. Les traces de cette convention sont partout dans Mme de Longueville : « Brûlez ce billet ici tout à l’heure, je vous supplie, et tous ceux que je vous escris aussi, et mandez-moi qu’il est brûlé. — Ne craignez point pour votre lettre ; je la brûlerai dès que je l’aurai lue. — Ne craignez pas d’escrire clairement, car je brûle vos lettres à l’instant que je les ai lues. — Brûlez ceci au nom de Dieu, etc. » Mais si Mme de Longueville obéissait fidèlement à la convention, Mme de Sablé ne l’exécutait guère. Tandis que l’une écrivait : « Brûlez mes lettres, » l’autre les abandonnait à Valant ; celui-ci les recueillait, et il en faisait même des copies qu’il collationnait sur les originaux, comme on le voit par cette note qui revient très fréquemment : Longueville. Copie, numéro… collationné, page… Ces copies de Valant ont disparu, on ne sait quand ni comment ; mais, grâce à Dieu, les originaux subsistent. Très peu de lettres sont datées ; en les étudiant avec soin, nous nous sommes convaincu que pas une n’est antérieure à l’aimée 1659 ou 1660, c’est-à-dire à l’époque même où nous en sommes, quand déjà depuis plusieurs années Mme de Sablé était retirée à Port-Royal, et que Mme de Longueville ne vivait plus que pour le devoir et le repentir. Il y en a un assez bon nombre de 1663, de 1664 et de 1669 ; d’autres ont trait à des événemens politiques ou religieux arrivés en 1670 et en 1672 ; une d’elles est datée de 1674 ; quelques-unes même paraissent aller au-delà, en sorte que cette