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L’année dernière a vu s’établir deux nouvelles voies de télégraphie sous-marine entre la Grande-Bretagne et l’Europe. L’une va de Douvres à Ostende et fait communiquer les chemins de fer et les télégraphes électriques de Belgique et d’Allemagne avec ceux d’Angleterre ; l’autre traverse la mer d’Allemagne, de Hollande en Angleterre, à la hauteur de La Haye, et par son succès rend assurée la traversée télégraphique sous-marine de France en Algérie par la Corse, la Sardaigne et la côte voisine d’Afrique, traversée qui est aujourd’hui en voie d’exécution.

Personne n’ignore que c’est en Amérique que l’on a commencé à faire servir le télégraphe à la détermination exacte des longitudes. Dans des contrées où les montagnes et les fleuves n’ont point de nom et où les habitans arrivent pour la première fois, la position géographique seule fixe l’existence d’un établissement, d’une commune, d’une ville future. Les compagnies de télégraphie électrique y vendent aux communes leur longitude comme toute autre marchandise d’utile consommation. En Europe, le télégraphe électrique est appelé à rendre les plus grands services pour la détermination très exacte du même élément de position des points remarquables du globe. Une communication avait donc été établie entre l’observatoire anglais de Greenwich et celui de Paris. L’astronome royal d’Angleterre, M. Airy, après avoir fait, dans les premiers mois de 1853, d’heureux essais entre Londresn Cambridge et Edimbourg, se préparait à entreprendre conjointement avec M. Arago et les astronomes français la jonction des deux grands observatoires des deux nations, lorsque la maladie de M. Arago et plus tard la perte irréparable que les sciences ont faite en sa personne sont venues ajourner cette importante opération scientifique. Elle vient d’être accomplie tout récemment entre les observatoires de Greenwich et de Bruxelles par le télégraphe sous-marin de Douvres à Ostende grâce à l’activité de l’astronome royal de Belgique, M. Quételet, dont les travaux ont fait du reste autant d’honneur a sa patrie dans la météorologie que dans l’astronomie elle-même. Grâce à notre bureau des longitudes, la France n’aura dans quelques semaines rien à envier à la Belgique, ni l’observatoire de Paris à celui de Bruxelles. On espère pouvoir établir de Londres jusqu’à Berlin, Vienne et Florence, une communication unique et directe. Il nous semble que ce but serait atteint bien plus sûrement et facilement en plaçant la pile électrique au milieu de l’intervalle que l’on veut franchir, et que les batteries voltaïques du bureau télégraphique de Strasbourg transmettraient des signaux sans aucune chance de trop grande déperdition jusqu’aux dernières limites des fils européens actuels tant vers l’orient que vers l’occident. Ce sera une opération capitale pour la détermination de la figure de la terre.

La grande exposition de l’industrie française de l’année prochaine nous amènera sans doute quelques découvertes remarquables dans les arts. L’année 1853 a vu l’éclairage électrique prendre rang parmi les moyens de remplacer la lumière du jour pour des travaux de chantier en plein air continués d’urgence pendant la nuit. Sur plusieurs de nos théâtres de la capitale, on a introduit ces effets de lumière électrique qui font spectacle. Nous croyons que la science et l’industrie n’ont pas encore dit leur dernier mot sur cette puissante illumination aussi facile à établir partout qu’efficace dans son action ;