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avantage. L’émulation naîtrait des honneurs publics décernés aux services signalés, et les nations indifférentes dont M. Charles Dupin a si bien tracé la statistique, entreraient dans la voie des lumières. On a beaucoup cité ce mot de Napoléon : « Dans le gouvernement des états, le pouvoir de la science fait partie de la science du pouvoir, « Pour en apprécier la portée, on peut comparer tout ce qu’il est possible d’opérer de bon et de grand dans une nation éclairée et qui serait impossible ailleurs. Pour ne point parler de la France ni des états musulmans, comparez les États-Unis au Mexique ou l’Angleterre à l’Espagne !

La crainte de tomber dans une ennuyeuse énumération nous empêche d’exposer ici en détail tout ce qui a été fait depuis l’an dernier dans la mécanique, la physique, la chimie et les arts en général. Nous avons dit qu’aucune de ces découvertes qui attirent l’attention du monde entier n’avait été faite en 1853. Les physiciens ont varié de plusieurs manières la belle expérience de M. Foucault, où l’on voit la terre tourner sous un appareil auquel, chose paradoxale, le mouvement donne une fixité absolue d’orientation. Les recherches chimiques sur la composition de l’air et sur l’alimentation et les produits agricoles ont amené d’utiles résultats. La médecine a continué d’employer et d’étudier les agens anesthésiques, c’est-à-dire qui suppriment la douleur. Les fameux bateaux américains, ayant pour moteur l’air chaud en place de la vapeur, n’ont point encore conquis le rang qu’on leur promettait ou plutôt qu’ils se promettaient eux-mêmes. Enfin, pour parler de ce qu’on n’a pas fait, on n’a point encore essayé en France et dans les autres pays l’emploi des chemins de fer du système de M. le baron Séguier, avec locomotive légère prenant point d’appui sur un rail intermédiaire, et susceptibles dès lors de franchir toutes les pentes, réduisant ainsi les frais d’exploitation comme ceux d’établissement à des proportions bien inférieures à ce qu’ils sont aujourd’hui. Nous reviendrons dans une étude spéciale sur ce point très important de la science pratique, qui rendra toutes les localités accessibles aux voies de fer.

Nous avons déjà dit aux lecteurs de la Revue qu’un câble sous-marin contenant quatre fils électriques a été établi entre la France et l’Angleterre au travers du Pas-de-Calais. Depuis trois ans, cette communication télégraphique transmet aux journaux de Londres et au gouvernement anglais les nouvelles du continent sans qu’aucune détérioration apparaisse encore dans ce télégraphe, qui a fait tant d’honneur, sinon de profit, au persévérant M. Brett, dont la conviction et l’obstination ont pu vaincre toutes les résistances et toutes les apathies pour rattacher sa pairie ingrate au continent. La science n’était pas moins intéressée à la réussite de M. Brett, pour rattacher par sa longitude exacte l’observatoire de Greenwich à celui de Paris[1].

  1. Je suis très fier de voir mon nom mentionné honorablement à l’occasion de l’établissement de la communication télégraphique sous-marine, et je regrette de voir oublié le nom de M. l’abbé Moiguo, qui s’est montré encore plus actif que moi pour aplanir les obstacles devant M. Brett. MM. Arago and Babinet, and the members of the Bureau des Longitudes, and the Institut, have shown the gréatest interest in the completion of the connexion between Paris and Greenwich. (Royal Astronomical Society, Report of the council, february 13, 1852.)