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du ciel brumeux de l’Angleterre occidentale, qui laisse à peine quelques heures par année à l’observation des astres, M. Lassel a transporté à Malte les gigantesques télescopes qu’à l’exemple de William Horschel il a fondus, polis et montés de ses propres mains. Sous ce ciel privilégié, il a pu observer à l’aise le nouvel anneau transparent qui entoure la planète Saturne, anneau dont la découverte lui était due, aussi bien qu’à M. Bond, des États-Unis, et qui constitue un phénomène unique dans le monde planétaire, il y a longtemps que notre célèbre Laplace demandait qu’on transportât nos puissans télescopes dans l’atmosphère rare et pure des hautes montagnes de l’équateur. La montagne de Pérote, près de la Véra-Cruz, au Mexique, me semblait devoir réunir toutes les circonstances favorables. Plusieurs astronomes des états dont les capitales occupent les hautes vallées de la Cordillère de l’Amérique du Sud, le long de l’Océan Pacifique, avaient, dans leurs visites à Paris, semblé prendre l’engagement de profiter de leur position exceptionnelle ; mais les troubles politiques de ces états et l’anarchie ou violente ou apathique qui s’y perpétue paralyse tout effort libéral vers les sciences. Il est curieux : de retrouver ici une maxime du même célèbre mathématicien et astronome Laplace, appelé quelquefois le Newton de la France : Il y a quelque chose de pire que d’avoir un mauvais gouvernement, c’est de n’en point avoir du tout !

L’exemple donné par M. Lassel ne sera donc point perdu. L’inaction forcée des astronomes du Mexique, du Pérou, du Chili, ne sera qu’un retard pour la science. Bacon disait : Les hommes se succéderont, la science s’accroîtra. Je ne puis finir cet historique des positions favorables à prendre pour sonder les profondeurs du ciel sans remarquer que la France possède dans ses montagnes centrales de l’Auvergne, aussi bien que dans les Alpes et dans les Pyrénées, des points où nos astronomes pourraient s’établir facilement. Après bien des réflexions sur la cause qui restreint en France les observations astronomiques dans le cadre des positions officielles, je n’en vois qu’une seule explication : c’est le mangue de publicité et par suite d’encouragement pour les efforts généreux des astronomes amateurs. Aucune publication, aucun bulletin astronomique français, ne porte leur nom et les résultats de leurs travaux à la connaissance de leurs compatriotes et du monde entier. MM. Goldsohmidt à Paris, Nell de Bréauté près de Dieppe, d’Abbadie à Urrugnes, Séguin aîné à Montbard, et un très petit nombre d’autres travaillent sans espérer ce seul prix qui devrait payer leurs efforts, la renommée. Il faudra voir à remédier promptement à cet état de choses peu favorable à l’astronomie française. L’ingratitude envers le mérite, mauvaise en elle-même, l’est encore davantage par ses suites, car elle amène le découragement et la cessation des travaux non officiels. Une espèce de terme moyen entre les observatoires impériaux de Paris et de Marseille et les observatoires particuliers des astronomes déjà nommés est en voie de se produire : je veux parler des observatoires communaux ou départementaux, que plusieurs villes, à l’exemple de la noble cité de Toulouse, sont sur le point de fonder. Nous croyons savoir que Bordeaux, Le Havre et Nantes auront bientôt des observatoires d’une portée restreinte sans doute, mais dont les travaux bien coordonnés seront très utiles. Les besoins de la navigation et l’envoi de l’heure