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non expédiées, et vous arriverez aisément au chiffre que nous avons puisé dans d’autres documens. Plus l’estimation de 1853 était conjecturale, et plus il devenait prudent de rester au-dessous des probabilités : c’est ce que nous avons fait. Les résultats que nous admettons sont bien inférieurs à ce que les Américains et les Anglais nous promettaient pour la dernière campagne. M. Stirling cite, d’après le Times, un document où on lit : « Suivant une estimation modérée, la totalité des extractions pour la seule Australie ne serait pas au-dessous de 40 millions de livres sterling (1 milliard de fr.) »

La production annuelle des métaux employés comme monnaie étant connue avec assez de vraisemblance, il suffit d’additionner les résultats successifs et de retrancher du total les quantités qu’on suppose perdues, pour se rendre compte de la valeur représentée par l’or et l’argent répandus dans le monde, sous les trois formes de lingots, de monnaie et d’objets plus ou moins utiles. Les conjectures formulées à ce sujet peuvent se résumer ainsi :

À l’époque de Charlemagne, l’Europe possédait en or et en argent une valeur de 800 millions de francs : à la découverte du Nouveau-Monde, il y avait peut-être 200 millions de plus. Un siècle plus tard, vers l’an 1600, une somme d’environ 5 milliards circulait dans la sphère du commerce européen, c’est-à-dire dans l’occident de l’ancien monde et dans les colonies américaines. En 1700, on avait, dit-on, dépassé 13 milliards. Cette quantité était au moins doublée au commencement du siècle suivant, qui est le notre. Selon M. Michel Chevalier, les mines d’argent exploitées dans le monde connu depuis la découverte de l’Amérique jusqu’en 1848 ont donné 142 millions ½ de kilogrammes, valant 29 milliards 452 millions de francs. Les recherches aurifères ont procuré pendant cette même période de trois siècles 4,101,207 kilogrammes, valant 14 milliards 126 millions, ce qui a porté la valeur totale des métaux monétaires à 43 milliards 578 millions avant l’exploitation de la Californie. En ajoutant à ce résultat celui des cinq dernières années, on arrivera en dernière analyse à un chiffre dépassant 48 milliards.

Il y a sans doute dans les grands états de l’Asie et de l’Afrique centrale, notamment en Chine et au Japon, des valeurs métalliques très importantes ; mais elles échappent à l’évaluation.

On estime à une s mime d’environ 10 milliards les quantités d’or et d’argent fonctionnant actuellement dans le monde à l’état de monnaie. Le reste est employé en vaisselle, montres, bijoux, objets d’art, ou dort dans les coffres-forts à l’état de lingots.

L’accroissement subit et démesuré dans la production des métaux précieux a causé dans les hautes régions du commerce et de la finance une émotion mélangée d’une vague inquiétude. Les trouvailles