subit, et la France avait des jours de repos, de bonheur même et d’éclat à traverser avant d’arriver au fatal dénoûment. Vers l’époque que nous étudions, l’esprit de société prenant l’essor compensait un peu les faiblesses et les erreurs de l’esprit politique. À défaut des pouvoirs constitués, une force naissante, celle de l’opinion publique, si ce mot n’est pas un anachronisme, se développait par les livres et la conversation. Des mœurs plus douces, des lumières plus générales, des caractères moins énergiques, tout ce qui signale les derniers progrès de la civilisation modifiait lentement l’action du gouvernement. Le pouvoir et les classes instruites commençaient à vivre dans une commune atmosphère morale, où les idées, remontant sans cesse, gagnaient péniblement les hauteurs, et venaient éclairer l’intérieur des conseils de la couronne. Les serviteurs de l’état, grandis par leurs œuvres, issus de toutes les origines, libres des préjugés d’ordre ou de profession, se formaient un esprit mixte dont l’impartialité n’était dominée que par une foi absolue dans l’autorité royale. Tout ce qui pouvait lui résister leur devenait suspect. Ils ménageaient le clergé, la noblesse, la magistrature, mais ils s’en défiaient, et, pour les affaiblir, cherchaient volontiers leur point d’appui dans le peuple, en répétant que sa force était celle de l’état. Bienveillans pour tous les intérêts qui imploraient protection, ils aspiraient à se faire un mérite de la félicité publique, et tendaient à composer une sorte d’aristocratie de fonctionnaires, la seule que la France ait jamais acceptée, et celle qui devait survivre à toutes les autres.
Le roi en était le chef. Tout en se disant par habitude le premier gentilhomme de son royaume, il devenait le roi des bourgeois. Mais au milieu de la confusion qui régnait dans le gouvernement, au milieu de l’incertitude des droits et des devoirs, son titre ne suffisait pas à sa puissance ; la machine ne marchait pas d’elle-même. Il fallait une volonté pour imprimer le mouvement ; or cette volonté manquait dans les premières années de la régence de Marie de Médicis. C’est une de ces époques de notre histoire qui paraissent incompréhensibles. On en peut citer d’autres, par exemple la seconde moitié de la fronde. Quand il y a des troubles, il y a des partis ; quand il y a des partis, il devrait y avoir des opinions. De 1610 à 1624, il y a des partis et des troubles, mais il n’y a point d’opinions. Impossible de dire nettement quelle idée, quel intérêt général représentait la reine-mère ou le prince de Condé, Mayenne ou Bouillon, Luynes ou Concini. Les protestans eux-mêmes, qui du moins avaient un droit précieux à défendre, n’écoutant que l’impatience ou l’ambition de leurs chefs, voyaient une menace dans la malveillance de leurs ennemis, et devançaient l’oppression par la révolte. Les abondantes ressources accumulées par le dernier règne tentaient comme un butin toutes les convoitises. Les factions ne prenaient les armes que pour