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Il s’est borné à user supérieurement du pouvoir tel qu’il le trouvait, exerçant dans sa plénitude la souveraineté administrative, assurant la prospérité publique, créant la politique de la France. Ses successeurs ont pu développer son œuvre, aucun n’y a ajouté de fondation nouvelle. Quant à la sienne propre, quant à la liberté de conscience, Richelieu l’a désarmée, Louis XIV l’a supprimée.

Mais si l’on jette les yeux sur l’état des affaires à la mort de Henri, on reconnaîtra que l’ordre établi perdait en le perdant son unique garantie. Rien n’était assuré dans le sein du gouvernement. P’oint de force régulière bien assise, hormis cette autorité royale, instrument puissant que les partis allaient se disputer. De la royauté elle-même était vrai l’adage : « Tant vaut l’homme, tant vaut la chose. » Et combien de temps encore il devait rester vrai ! La guerre était presque déclarée à la maison d’Autriche, ou du moins la succession du duché de Juliers mettait aux prises sa politique et celle de la France ; déjà un corps d’armée avait passé la frontière, que le gouvernement d’un roi mineur en était encore à chercher sa force et ses desseins. La nation, accoutumée à s’en lier au génie de son roi, détachée de toutes les passions par l’expérience des guerres civiles, ne croyait en aucun parti, non plus qu’en elle-même. Point d’opinion publique, car ce n’est pas une opinion publique que le désir vague d’une administration équitable et tutélaire, accru par l’effroi de l’avoir pour longtemps perdue avec le prince qui en réalisait l’éclatant modèle. Unanime dans les masses, ce sentiment d’inquiétude ne rencontrait d’exception que dans les ordres privilégiés. Le premier des deux, le clergé, est celui qui l’éprouvait le moins. Jamais les ménagemens et même les concessions accordées à l’église n’avaient pu effacer dans le fils de Jeanne d’Albret les caractères, sinon de l’hérétique, au moins du libérateur de l’hérésie. Il avait beau se confesser aux jésuites, l’église ne pouvait le regarder comme sien, et en effet il n’appartenait à personne. Le clergé, constitué à l’état de parti tant que la réforme était debout, ne pouvait songer qu’à lui-même ni rêver autre chose qu’un dédommagement ou une revanche. Jaloux de ses immunités domaniales, il ne se connaissait envers la puissance publique d’autre relation que le privilège d’y contribuer par des dons volontaires, non par des taxes obligatoires. Son seul devoir politique était celui-là. Deux choses en sus lui tenaient au cœur : faire recevoir en France les décrets du concile de Trente, et restreindre les usurpations, ou pour mieux dire les droits des calvinistes. Évidemment il n’y avait là que des intérêts particuliers. La noblesse se divisait en deux classes, les grands et les gentilshommes. Les premiers remplaçaient pour le temps les puissans feudataires d’un autre siècle. Parmi eux, les uns par une origine princière et le