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font maintenant avec une intelligence et une exactitude qu’on n’exigeait pas autrefois. L’ensemble de ces documens, s’ils étaient réunis dans le même ordre et mis dans le même jour, serait le plus précieux monument que l’on pût élever à la grande époque du gouvernement de la France.

La correspondance de Richelieu, dont un gros volume est dans nos mains, a été recueillie, déchiffrée, disposée, commentée par M. Avenel. Il était impossible de s’acquitter mieux d’une tâche un peu ingrate, encore qu’intéressante ; il fallait beaucoup de recherches et un long travail. La conscience, la persévérance, la sagacité, sont choses que l’éditeur avait à souhait, et son œuvre est de celles en qui l’on peut se fier. Dans une préface assez étendue, il fait connaître en détail les sources où il a puisé, et il établit solidement l’authenticité des pièces qu’il publie. Richelieu dictait toutes ses lettres, ou du moins tout ce qu’elles contenaient d’essentiel. C’est ce que prouvent celles que l’on imprime, prises pour la plupart sur des minutes écrites en brouillon par ses secrétaires, qui ne faisaient rien de leur chef. Il serait trop long d’analyser les preuves par lesquelles M. Avenel démontre que le grand ministre ne signait pas de lettres de bureau. Entre autres raisons, il y en a une excellente, c’est qu’il n’avait pas de bureaux. Si quelque chose de semblable peut être trouvé de son temps, c’est chez les secrétaires d’état.

M. Avenel a fait suivre sa préface d’une introduction où il s’attache à faire connaître Richelieu, surtout dans la partie de sa vie à laquelle se rapporte la portion publiée de la correspondance. Ce morceau, écrit avec une rare justesse de sens et d’expression, nous parait excellent, et nous n’appelons guère du jugement de l’auteur, qui se préserve également des solennités de l’enthousiasme et des injustices du dénigrement. L’éloge ou la satire, l’un et l’autre déclamatoires, ont été toujours difficiles à éviter quand on parle de Richelieu, et M. Avenel a su s’en défendre, mettant tout son esprit à ne dire que la vérité.

Les lettres contenues dans le volume qu’il nous donne vont de 1608 à 1624, du jour où il devint évêque à celui où il fut premier ministre. Ces douze ans ne sont pas les plus connus des cinquante-huit que vécut Richelieu. On sait que par la faveur de Henri IV il obtint à vingt-deux ans le modeste évêché de Luçon. Lorsqu’on 1610, la mort de ce prince ouvrit le cours d’une régence orageuse, le jeune prélat, plein d’espérance comme tous les ambitieux, vint à la cour et s’attacha à la reine-mère. Il prêcha pour se faire connaître, et député du clergé aux états de 1614, il fut l’orateur de son ordre, au nom duquel il harangua le roi. Placé dans la maison de la régente, il fut nommé deux ans après secrétaire d’état, et il eut dans son département