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aux Pyramides à côté de son général, et qu’éclaire un reflet de la gloire de celui qu’il a droit de nommer son ami, en attendant qu’il l’appelle son maître. La Prusse est excitée dans tous ses appétits, devinée dans tous ses projets, caressée dans tous ses rêves. On la presse de se saisir, sans péril et non sans profit, d’une sorte de médiation entre la France et l’Autriche, sa vieille ennemie. On utilise plus sérieusement ses bons offices à Pétersbourg, afin de détacher Paul Ier de la cour de Vienne, par laquelle il se tient pour insulté, et le cabinet de Potsdam devient l’instrument principal de ce rapprochement avec la France, qui va, comme un coup de théâtre, changer la politique du monde. Des flatteries, qu’il faudrait qualifier de grossières si elles n’avaient aussi complètement réussi, font le reste, et le premier consul compte bientôt au nombre de ses plus fervens admirateurs un maniaque impérial, assez fou pour transformer en une heure ses haines en amitiés, assez puissant pour faire de ses caprices les fondemens de sa politique.

S’étant de la sorte saisi d’une initiative pacifique formellement repoussée par ses ennemis, ayant raffermi les neutres, organisé leur résistance commune à l’Angleterre, rappelé et raffermi les principes du droit maritime, acquis la Russie, désarmé la Vendée, dompté tous les partis sans les violenter, l’auteur de ces grandes choses s’achemine vers les Alpes avec la confiante sérénité d’Alexandre, et va chercher dans les plaines du Piémont cette paix qu’on lui refuse obstinément. Il obtient par son bon droit la victoire qu’il est destiné à ne conquérir plus tard que par son génie. Vainqueur, il désire la paix avec autant de passion qu’on en met encore à la lui refuser. Maître de Milan et menaçant Venise, il réitère des offres qui ne diffèrent des précédentes ouvertures qu’en ce que, tout en continuant à prendre pour base des stipulations à intervenir le traité de Campo-Formio, il notifie que les indemnités, promises en Italie - aux princes dépossédés de la maison d’Autriche - seront désormais prises en Allemagne sur les domaines que les sécularisations laisseront disponibles. Ces propositions sont rejetées moins encore parce qu’elles atteignent dans leurs plus chers intérêts les princes allemands que parce qu’elles resserrent de plus en plus le cercle de l’influence autrichienne au-delà des Alpes. Si le désastre de Marengo a pu décider l’Autriche à envoyer un négociateur en France, cette puissance n’est pas assez épuisée de sang, ni l’Angleterre, de son côté, n’est pas assez épuisée d’or, pour que l’une se résigne à délaisser le plus cher objet de ses convoitises, et pour que l’autre ne s’oppose point à la signature d’un traité qui emporte la solennelle consécration de toutes les acquisitions territoriales faites par la France. Ce n’est que lorsque à bataille de Hohenlinden aura ouvert à nos armées le cœur de l’Allemagne,