Le système des administrations collectives était désormais jugé par ses résultats. Si des corporations délibérantes ne dirigent pas sans succès l’administration des comtés en Angleterre et en Amérique, celle des provinces en Belgique, les directoires de départemens et de districts n’avaient produit en France que des tiraillemens locaux et une impuissance universelle, La création de conseils chargés de l’administration proprement dite nous avait donné tous les inconvéniens des institutions provinciales sans aucun de leurs avantages. L’un des plus grands services qu’on pût alors rendre au pays, c’était donc de supprimer des pouvoirs nominaux que ne vivifiait point ce sentiment de la responsabilité directe et personnelle, élément essentiel de toute bonne administration. La loi départementale substitua la commune, centre de tous les intérêts sérieux, au district, qui n’avait eu qu’une existence factice. Elle appela à la tête des départemens des agens supérieurs, exécuteurs de la pensée de l’état, en les faisant assister par des conseils généraux investis du droit de voter les subsides départementaux, et à ce titre exerçant une influence morale sur l’ensemble de l’administration sans en partager la responsabilité. Elle plaça enfin, en s’éclairant de l’expérience des dernières années, un degré intermédiaire d’action administrative entre le département et la commune, et l’arrondissement fut très judicieusement substitué au canton, qu’on pourrait définir la commune continuée dans toutes ses petitesses, avec sa cordialité de moins.
De la même pensée sortit cette organisation judiciaire que nous voyons depuis plus de cinquante ans fonctionner parmi nous d’une manière non moins rapide qu’irréprochable. L’assemblée constituante avait faussé l’esprit de la nouvelle magistrature française en s’efforçant d’introduire l’élément électif dans la composition d’un corps qui, pour conserver son caractère et son indépendance, doit être placé au-dessus des mobilités de l’opinion aussi bien que des caprices du pouvoir. L’organisation judiciaire eut pour base la nouvelle circonscription administrative, et l’on n’hésita pas à la compléter par la création de vingt-deux grandes cours d’appel rappelant, par leurs attributions et les lieux mêmes où elles allaient siéger, les souvenirs des anciens parlemens, effacés avec tant de soin par les précédens pouvoirs. Les gouvernemens assurés de vivre dans l’histoire ne la redoutent point. Le restaurateur de l’ordre social pouvait la rouvrir avec confiance et fierté. Sous les voûtes des Invalides, il pouvait associer Desaix à Turenne dans des honneurs communs, il n’avait alors rien à craindre pour lui-même dans les évocations du passé, car une seule année de sa carrière avait été aussi féconde que la vie des plus grands hommes.
La sagacité politique du premier consul lui fit comprendre que