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Mozart, la sonate en mi mineur pour piano et violoncelle de Beethoven, et le grand quatuor en la mineur du même auteur, qui est le quinzième parmi les dix-huit quatuors pour instrumens à cordes qu’on doit à ce prodigieux génie. Nous l’avons déjà dit, les derniers quatuors de Beethoven sont des compositions colossales, que nous n’acceptons pas sans réserve et sans protester au nom de la raison humaine contre les caprices et les allures de ce génie audacieux. Cependant la preuve que les. choses vraiment belles sont immédiatement comprises, c’est l’admirable andante religioso de ce quinzième quatuor, qui excite toujours des transports d’enthousiasme. Dans la seconde séance, qui a été donnée le 27 janvier, après un quatuor de Weber pour piano, violons et violoncelle, après le neuvième quatuor en ut de Beethoven, Mme Mattmann a exécuté sur le piano l’adagio et le finale de la sonate vingt-deuxième, qui occupe le rang de cinquante-septième dans l’œuvre entière du maître. Cette sonate prodigieuse, qui exige autant de mécanisme que d’inspiration pour être bien rendue. Mme Mattmann l’a interprétée avec une force, une fougue et une profondeur de sentiment qui l’ont élevée au premier rang des virtuoses. — Un biographe de Beethoven, Ries, raconte que, se promenant un jour à la campagne avec son ami et son maître, celui-ci ne disait mot et murmurait tout bas en lui-même un motif qui le préoccupait. Quand ils arrivèrent à la maison, Beethoven se mit au piano, et le chapeau sur la tête, il trouva sous ses doigts l’admirable finale de cette vingt-deuxième sonate que Mme Mattmann a exécutée dans la perfection.


P. SCUDO.




REVUE DRAMATIQUE.

Si nous avions besoin d’un nouvel indice pour prouver que le mouvement et la vie du théâtre ne se rencontrent pas précisément à la Comédie-Française, nous le trouverions dans le contraste de la parfaite indifférence qui a accueilli le petit acte de Romulus avec la curiosité presque passionnée qu’avait soulevée le drame de Louise de Nanteuil : non pas, à Dieu ne plaise, que ce drame nous ait paru justifier ces empressemens et ce bruit ! Il marque au contraire un pas de plus et comme une nouvelle récidive dans ce désastreux abus qui livre, depuis quelque temps, la scène à des mœurs tarées, à des personnages équivoques ; mais enfin, grâce à l’importance de l’œuvre, au nom de l’auteur, à la hardiesse du sujet, il y avait là, sinon la certitude d’un succès, au moins l’espérance de quelque chose de paradoxal, de piquant et d’imprévu. Que dire de Romulus, cette production chétive dont la destinée ressemble un peu à celle du héros de la pièce, enfant trouvé que l’on attribue tour à tour à trois ou quatre paternités différentes, sans que le public s’inquiète beaucoup de savoir quel en est le véritable père ? Parmi les spectacles lamentables ou grotesques que nous donne en ce moment certaine littérature, nous en connaissons peu de plus significatifs que cette traduction libre du parturiunt montes. Il y a des situations extrêmes où l’on ne peut se sauver du ridicule que par un chef-d’œuvre. Lorsque l’on s’est posé comme une manière de Bonaparte