Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/609

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

montre ce qu’un pareil talent a en soi de séduisant, de délicat et d’expressément aimable. Jamais d’ailleurs, et sous quelque forme qu’elle se manifeste, l’habileté de M. Henriquel-Dupont ne prend le caractère de la prétention : il semble que le désir de se mettre à la portée de tout le monde l’emporte chez lui sur le désir de se faire admirer, et, si ferme en certains cas que soit sa manière, si sévères que puissent être son sentiment et son goût, le tout a je ne sais quel extérieur de simplicité, on dirait presque de bonhomie, qui plaît au regard plus qu’il ne l’étonné et qui persuade sans s’imposer.

L’Hémicycle du palais des Beaux-Arts possède plus, qu’aucun autre ouvrage de M. Henriquel-Dupont cette force secrète d’expansion sous une apparence modeste; mieux qu’aucun autre il révèle la science profonde qui cherche à se dérober ainsi. Lorsqu’on jette les yeux sur la belle planche qui vient d’être publiée, on dirait qu’elle est le fruit d’un travail simple, ingénu, facile; lorsqu’on l’étudie de près, on devine ce qu’il a fallu d’observations, de comparaisons et d’efforts successifs pour donner à l’aspect général cette unité, à chaque détail cette correction et cette finesse. Rien de moins absolu au premier abord que la forme de cette traduction; rien au fond de moins équivoque ni de plus résolument senti. Essayons, en rapprochant l’œuvre de M. Henriquel-Dupont de l’œuvre peinte par M. Delaroche, de constater dans l’estampe le genre de mérite qui lui est propre et certains points d’originalité.

Il serait hors de propos de chercher à apprécier, en tant qu’ouvrage de peinture, la composition qui orne les murs de la salle des prix au Palais des Beaux-Arts[1] ; qu’il nous soit permis seulement de rappeler en quelques mots le caractère général de ce travail pour indiquer les conditions de la tâche imposée à M. Henriquel-Dupont et les difficultés de plus d’une sorte que le graveur avait à surmonter.

L’Hémicycle, on le sait, est un résumé quelque peu allégorique, mais avant tout historique, des progrès de l’art à toutes les époques et dans tous les pays.. Il ne nous ouvre pas un olympe peuplé d’artistes à l’état ordinaire des immortels; il nous montre cependant quelque chose de plus qu’une série de portraits des grands maîtres. Placés dans l’atmosphère d’une demi-apothéose et sous la surveillance de cinq génies dont la gravité s’accommoderait assez mal du laisser-aller de la vie familière, environ soixante peintres, sculpteurs et architectes devisent entre eux, mais avec dignité pour la plupart, avec calme, et de meilleure amitié à coup sûr qu’ils n’eussent fait s’ils s’étaient rencontrés ici-bas. Deux graveurs seulement figurent

  1. L’important travail de M. Delaroche a été examiné ici même par un juge dont personne plus que nous ne respecte l’autorité, M. Vitet. Voyez la livraison du 15 décembre 1841.