petite propriété proprement dite, dont beaucoup d’excellens esprits, entre autres M. Stuart Mill, dans ses nouveaux Principes d’économie politique, avaient réclamé l’introduction, elle me paraît beaucoup moins désirable en présence de pareils faits. Probablement l’Irlande arrivera quelque jour à la petite propriété, c’est sa tendance naturelle; mais pour le moment, la population rurale est trop pauvre : elle a besoin de gagner d’abord dans la culture de quoi devenir propriétaire; il n’est pas de son intérêt d’y penser aujourd’hui.
Le gouvernement anglais cherche en même temps à fournir à l’Irlande régénérée des capitaux et des débouchés. Il a offert, comme en Angleterre, aux propriétaires qui voudraient faire drainer leurs terres ou réparer leurs bâtimens et leurs chemins d’exploitation, de leur prêter 100 millions de francs, remboursables en vingt-deux ans par des annuités de 6 1/2 pour 100. Bon nombre d’entre eux ont accepté, et ces utiles travaux s’exécutent. Les banques irlandaises, dont l’histoire avait été féconde en catastrophes, ont pris une assiette nouvelle. Au temps des anciennes luttes, les demandes subites de remboursement, run on the bank, étaient un des moyens les plus souvent employés par les agitateurs pour porter le désordre dans le pays. Ces perturbations dans la circulation sont désormais beaucoup moins à craindre. Les banques peuvent prendre sans danger un peu plus d’essor, et admettre plus de monde au bénéfice de leurs opérations. Les chemins de fer commencent à couvrir l’île de leur réseau; on s’occupe d’améliorer les ports et les fleuves. Le perfectionnement des moyens de communication se fait déjà sentir par la hausse des denrées agricoles sur tous les points. L’exportation, qui était autrefois un mal, puisqu’elle enlevait la subsistance du peuple sans compensation, devient un bien depuis que l’Irlande a moins de bouches à nourrir, et que la rente se paie davantage sur place.
Enfin l’enseignement agricole, dont l’Irlande avait bien besoin, a pris une large extension et fait partie d’un système général d’éducation populaire récemment organisé. L’Irlande possédait déjà depuis 1826 le collège agricole de Templemoyle, dans le comté de Londonderry, fondé par une société de souscripteurs, avec une subvention de 17,000 livres sterl. (425,000 francs), des corporations de Londres qui possèdent la plus grande partie du comté; 60 élèves y recevaient l’instruction théorique et pratique; une ferme de 68 hectares, dirigée par un habile fermier écossais, était annexée à l’école. Une enquête spéciale avait constaté en 1843, dix-huit ans après sa fondation, que, soit par ses élèves, soit par ses exemples, Templemoyle avait heureusement influé sur l’agriculture locale. Dans tous les grands collèges de l’Irlande, on avait fondé des chaires d’agriculture; mais l’enseignement agricole n’avait pu suffire pour lutter contre la