mirablement racontée par M. Augustin Thierry ; de là ces inflexibles caractères de Colomban et des moines d’Iona défendant contre l’église entière leurs usages et leurs institutions ; de là enfin la position fausse des races celtiques dans le catholicisme, quand cette grande force, de plus en plus envahissante, les eut resserrées de toutes parts et obligées de compter avec elle. N’ayant pas de passé catholique, elles se trouvèrent déclassées à leur entrée dans la grande famille, et ne purent jamais arriver à se créer une métropole ecclésiastique. Tous leurs efforts et toutes leurs innocentes supercheries pour attribuer ce titre aux églises de Dol et de Saint-David échouèrent contre l’accablante divergence de leur passé ; il fallut se résigner à être d’obscurs suffragans de Tours et de Cantorbéry.
Du reste, même de nos jours, cette puissante originalité du christianisme celtique est loin d’être effacée. Les Bretons de France, quoique ayant ressenti le contre-coup des révolutions que le catholicisme a subies sur le continent, sont, à l’heure qu’il est, une des populations chez lesquelles le sentiment religieux a conservé le plus d’indépendance. L’Irlande enfin garde encore dans ses provinces reculées, le Galloway par exemple, des formes de culte tout à fait à part, et auxquelles rien dans le reste de la chrétienté ne saurait être comparé. L’influence du catholicisme moderne, ailleurs si destructive des usages nationaux, a eu ici un effet tout contraire, par la nécessité de trouver un point d’appui contre le protestantisme dans l’attachement aux pratiques locales et aux coutumes du passé.
C’est le tableau de ces institutions chrétiennes tout à fait distinctes de celles du reste de l’Occident, de ce culte parfois étrange, de ces légendes de saints marquées d’un cachet si profond de nationalité, qui fait l’intérêt des écrits relatifs aux antiquités ecclésiastiques de l’Irlande, du pays de Galles et de la Bretagne armoricaine. Aucune hagiographie n’est restée plus exclusivement nationale ; jusqu’au xiie siècle, les peuples celtiques ont admis dans leur martyrologe très peu de saints étrangers : aucune aussi ne renferme autant d’élémens mythologiques. Le paganisme celtique opposa si peu de résistance au culte nouveau, que l’église ne se crut pas obligée de déployer contre lui cette rigueur avec laquelle elle poursuivait ailleurs les moindres vestiges de mythologie. L’essai consciencieux de W. Rees sur les saints du pays de Galles, celui du révérend John Williams, ecclésiastique fort instruit du diocèse de Saint-Asaph, sur les antiquités ecclésiastiques de Kymris, suffisent pour faire comprendre l’immense intérêt qu’offrirait une histoire complète et intelligente des églises celtiques avant leur absorption par l’église romaine. On pourrait y joindre le docte ouvrage de dom Lobineau sur les saints de Bretagne, réédité de nos jours par M. l’abbé Tresvaux, si la demi-critique du