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ces difficultés financières du pays. Quant aux affaires ecclésiastiques, au sujet desquelles M. Ricci a émis, dans le sénat, des vœux de conciliation avec le saint-siège, rien ne semble jusqu’ici faire prévoir une issue définitive, et il serait difficile de rien conclure de la réponse de M. de Cavour à M. Ricci. Le voyage à Turin de M. de Pralormo, ministre piémontais à Rome, a un moment accrédité le bruit de négociations qui seraient sur le point d’aboutir. Si ces négociations étaient réelles cependant, comment s’expliquerait-on que le cabinet de Turin tînt à présenter de nouveau quelques-unes des lois qui ont été l’objet des plus graves complications ? S’il est utile pour le Piémont de ne point se hasarder dans des luttes qui touchent à tant d’intérêts sérieux et puissans, c’est que son intérêt avant tout est de rester en Italie le représentant d’une politique libérale, mais en même temps modérée et conservatrice; il a à prouver que la liberté constitutionnelle n’est nullement incompatible avec l’ordre et la paix religieuse. Le meilleur moyen pour lui de se préserver des réactions excessives, c’est de se garder de tout entraînement qui ne ferait que frayer le chemin aux révolutionnaires.

Toute l’histoire de l’Italie contemporaine est là. C’est l’excès des bouleversemens et des agitations qui l’a rejetée dans l’excès de la compression et de l’autorité discrétionnaire. Entre les deux extrêmes, il ne s’est point trouvé malheureusement un parti libéral modéré assez fort pour faire face tour à tour à ce double courant et sauver l’intérêt de l’Italie. Ce parti ne s’est point trouvé assez fort, disons-nous, sur la plupart des points de l’Italie, et cependant il a existé et il existe encore, il est même des pays où il a exercé à un moment donné une influence décisive. En Toscane, par exemple, comment s’est accomplie la restauration du grand-duc, si ce n’est par l’effort de ce parti ? C’est un point sur lequel jette une vive lumière un livre qui vient de paraître à Florence sous le titre de Ricordi sulla Commissione govemativa Toscana del 1849. Cette commission de gouvernement dont l’histoire est ici racontée est celle qui se forma à Florence spontanément le 12 avril 1849, pour renverser la dictature de M. Guerrazzi et préparer la restauration du grand-duc, qui s’était retiré à Gaëte. L’auteur des Ricordi, M. Cambray-Digny, en faisait partie avec les Gino Capponi, les Ricasoli; il raconte les travaux, les efforts et les luttes de cette portion sensée, modérée et éclairée de la population toscane, qui n’eut qu’à faire un mouvement pour faire évanouir ce fantôme démagogique au pouvoir duquel elle était tombée. S’il est une lumière utile qui ressorte du livre de M. Cambray-Digny, c’est qu’à ce parti libéral modéré appartient la première pensée de la restauration monarchique à Florence, et cette restauration, il l’accomplissait lui-même dans un double objet également honorable, d’abord pour qu’elle ne se réalisât pas par l’intervention de l’Autriche, et ensuite pour rendre plus facile la continuation de ce rôle de réformateur prudent qu’avait pris jusque-là le grand-duc. Il y a une autre lumière qu’on peut dégager des pages de l’auteur florentin, c’est qu’à travers tout il y a en Italie un ensemble de besoins qui répugnent également aux folies de la démagogie et aux procédés d’une autorité trop absolue. Cet ensemble de besoins a précédé les révolutions dernières, il leur a survécu, et la politique la plus sage pour les souverains serait de s’y appuyer en donnant à ces besoins de prudentes satisfactions. En Toscane particulièrement.