peu grave, mais qui a néanmoins entraîné la déportation à Candie de trois cents softas ou étudians. Au même instant, du reste, le cabinet ottoman subissait une modification. Riza-Pacha était nommé ministre de la marine, Halil-Pacha était adjoint au conseil, et le ministère turc, un moment ébranlé, se raffermissait après une crise où Reschid-Pacha lui-même avait donné sa démission. Comme on le voit, l’Europe a trouvé le gouvernement du sultan accessible à ses conseils pacifiques; mais, les propositions de Vienne une fois admises à Constantinople, il n’y a que la moitié de l’œuvre accomplie : la moitié la plus difficile reste à accomplir, c’est-à-dire l’acceptation des mêmes bases de négociation par le tsar. En elles-mêmes, les propositions de Vienne ne donnent point sans doute satisfaction à toutes les prétentions de la poli- tique russe. Venant après la nouvelle de l’entrée des flottes dans la Mer-Noire, seront-elle ? Plus favorablement accueillies ? Là, à vrai dire, est le doute le plus grave, et c’est ce doute que doivent faire cesser les premières communications de Saint-Pétersbourg pour laisser apparaître la situation actuelle dans toute sa netteté.
Si d’ailleurs l’entrée des flottes dans la Mer-Noire est une difficulté nouvelle, qui donc a provoqué cette résolution, si ce n’est la Russie elle-même ? Nous disions récemment ce qui nous semblait le sens réel de cet acte décisif accompli par la France et par l’Angleterre; la dernière circulaire de M. le ministre des affaires étrangères le dit aujourd’hui clairement et avec autorité. L’occupation des provinces du Danube, l’affaire de Sinope donnaient à l’Angleterre et à la France le droit de mesurer elles-mêmes l’étendue de la compensation qui leur était due comme puissances intéressées à l’existence de la Turquie, et en raison des positions militaires déjà prises par les Russes. Cette compensation, c’est l’occupation de la Mer-Noire « de façon à empêcher le territoire ou le pavillon ottoman d’être en butte à une nouvelle attaque de la part des forces navales de la Russie. » Si dès le début de ce conflit le cabinet de Saint-Pétersbourg a pu envahir les principautés pour se nantir d’un gage matériel, comme il le disait, l’Angleterre et la France n’ont-elles pas le droit aujourd’hui de se saisir à leur tour d’un gage « qui leur assure le rétablissement de la paix en Orient à des conditions qui ne changent pas la distribution des forces respectives des grands états de l’Europe ? » Ce n’est, à tout prendre, que rétablir l’égalité en fait; mais au point de vue du droit il n’en est pas même ainsi. En jetant son armée dans les principautés, la Russie violait très clairement et très manifestement les traités. En entrant dans la Mer-Noire, l’Angleterre et la France n’ont pour but que de défendre et de maintenir le traité du 13 juillet 1841, qui garantit l’intégrité de la Turquie, et par lequel les cinq puissances signataires s’engagent respectivement à ne point rechercher à Constantinople des avantages qui ne seraient point assurés aux autres. C’est dans ce sens qu’un journal accrédité de l’Autriche pouvait dire récemment que la politique actuelle de l’Europe se rattachait essentiellement à la convention de 1841 ; elle en est le développement naturel et la confirmation. C’est pourquoi aussi l’Autriche, pas plus que la Prusse, ne sauraient voir dans la marche des flottes combinées autre chose qu’une défense plus effective des stipulations par lesquelles elles se croient justement liées, une affirmation sous une forme plus décisive de la politique à laquelle elles viennent