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dans les chairs, et ceux qui sont sujets aux petits claquemens de dents, suite de ce qu’on appelle le tic douloureux, se brisent quelquefois les dents les unes contre les autres par l’effet de ces premiers petits mouvemens si peu étendus, si involontaires, mais si puissans. Enfin j’ai vu un soldat mourant d’un tétanos traumatique heurter du bout du pied une planche qui bordait un ruisseau gelé où il était tombé, et dans son agonie nerveuse faire retentir cette planche d’un bruit formidable.

L’attention publique fut excitée à Paris, il y a quelques années, par les facultés surnaturelles et soi-disant électriques d’une jeune fille de la classe ouvrière, de l’extérieur le plus repoussant et le plus inintelligent, mais qui, disait-on, opérait plusieurs prodiges. Un mémoire fut présenté à l’Académie des sciences, malheureusement accessible à toutes les prétentions des observateurs étrangers. Une commission, dont je faisais partie, fut nommée pour vérifier les prétendus miracles. Je n’ai pas besoin de dire qu’aucun ne se reproduisit malgré la bonne volonté des membres de la commission, touchés de la bonne foi des parens et des amis qui l’avaient amenée à Paris en pleine sécurité, et qui avaient espéré tirer parti, comme objet de spéculation, de ses vertus surnaturelles. Seulement, au milieu des prodiges qu’elle n’opérait pas, se trouvait un efFet très naturel de première détente de muscles, qui était curieux au plus haut degré. Cette fille, de petite taille, engourdie, et qu’on avait justement qualifiée du nom de torpille, — étant d’abord assise sur une chaise et se levant ensuite très lentement, — avait la faculté, au milieu du mouvement qu’elle faisait pour se relever, de lancer en arrière, avec une vitesse redoutable,- la chaise qu’elle quittait, sans qu’on put apercevoir aucun mouvement du torse, et par la seule détente du muscle qui allait quitter la chaise. A l’une des séances d’examen au cabinet de physique du Jardin-des-Plantes, plusieurs chaises d’amphithéâtre, en bois blanc, furent lancées contre les murs de manière à s’y briser. Une seconde chaise de précaution que j’avais une fois disposée derrière celle où la fille électrique était assise, dans l’intention de garantir, en cas de besoin, deux personnes qui causaient au fond de la pièce, fut entraînée par la chaise lancée, et alla avec elle avertir de leur distraction les deux savans de l’à-parte. Au reste, plusieurs des jeunes employés du Jardin-des-Plantes avaient réussi à opérer, quoique moins brillamment, ce beau tour de mécanique organique. Pour se bien rendre compte de ce jeu des muscles par un effet analogue, on n’a qu’à serrer légèrement dans sa partie la plus renflée le bras d’une personne qui fait à plusieurs reprises le geste de fermer le poing : on sentira tout de suite le gonflement du muscle et le mouvement qui en pourrait résulter, si le changement de forme était très rapide.

Lorsqu’un oiseau de proie, un oiseau aux ailes étendues, comme disent Homère, Hésiode et La Fontaine, plane au-dessus d’une contrée, observant d’une distance immense l’animal qu’il veut saisir, on croit généralement qu’il ne monte ni ne descend, mais qu’il se soutient, sans faire un mouvement, toujours à la même hauteur. C’est une grande erreur. Le fait serait contraire à tous les principes de la mécanique. Je me suis du reste assuré, en observant ces oiseaux du sommet des Pyrénées et des montagnes centrales de la France, quand j’étais à leur hauteur, que, dans l’état de repos, ils baissent